Le premier des trois suspects présentés jeudi aux juges d'instruction de Valence a été mis en examen pour "homicide volontaire et tentatives d'homicides volontaires en bande organisée", en lien avec la mort du jeune Thomas lors d'un bal dans la Drôme, a indiqué à l'AFP son avocat Me Guillaume Fort. Poursuivi des mêmes chefs que neuf autres suspects déjà mis en examen en novembre en raison de leur responsabilité présumée dans ce drame, ce jeune a été placé sous contrôle judiciaire, a constaté un journaliste de l'AFP sur place. Le parquet avait requis un placement en détention provisoire.
Deux autres suspects interpellés en même temps que lui lors d'un coup de filet mené lundi à Romans-sur-Isère ont également été déférés devant les juges chargés de l'enquête ouverte après le décès de Thomas, un lycéen de 16 ans mortellement blessé d'un coup de couteau dans la nuit du 18 au 19 novembre. Six autres personnes, arrêtées par les gendarmes lors du même coup de filet, ont été remises en liberté et deux gardes à vue étaient toujours en cours jeudi en fin de journée, selon un communiqué du procureur de la République de Valence, Laurent de Caigny.
Avec ces nouvelles auditions, "l'intérêt, c'est d'avoir le respect de chacun (...) pour qu'on puisse confronter les propositions des uns et des autres et savoir quelles sont les vraies responsabilités", avait indiqué mardi le patron de la gendarmerie nationale Christian Rodriguez sur RTL. Lors de ses dernières communications, le parquet de Valence avait indiqué que les circonstances exactes du drame restaient à élucider, aucun des mis en examen ne reconnaissant avoir porté le coup mortel au jeune rugbyman, qui participait à la soirée avec plusieurs camarades. "Ce n'était d'ailleurs pas forcément le but", explique à Europe 1 une source au sein de la gendarmerie. L'objectif était davantage de confronter les versions de chacun, de voir les éventuelles contradictions afin que les enquêteurs puissent se faire une idée des circonstances du meurtre.
"Ambiance du moment"
À ce stade, il est établi que le coup de couteau mortel a été porté à l'extérieur de la salle des fêtes qui accueillait en novembre environ 400 personnes pour son bal de l'hiver. La soirée avait tourné à la rixe quand des jeunes non invités, certains jugés hostiles par des témoins, ont été mêlés à une altercation à l'intérieur de la salle, avant des affrontements à l'extérieur, selon les éléments précédemment communiqués par le procureur de Valence.
Les jeunes venus d'ailleurs ont porté des coups, certains au couteau et neuf des 104 témoins entendus par les gendarmes ont rapporté des propositions hostiles "aux blancs", selon le parquet. D'autres témoins "ont entendu des rugbymen vouloir 'taper du bougnoul'" après l'arrivée des jeunes non invités, avait affirmé à l'époque Me Romaric Chateau, l'avocat d'un des suspects, sur BFM.
"On est sur un drame. Un drame malheureux. Les paroles qui ont pu être prononcées, ont pu l'être dans l'ambiance du moment", a souligné mardi le patron de la gendarmerie. Les juges ont écarté à ce stade tout mobile raciste. Les violences avaient fait huit blessés dont quatre graves. Thomas, un lycéen scolarisé à Romans-sur-Isère, capitaine junior de l'équipe de rugby du RC de Romans Péage, est décédé lors de son transport à l'hôpital. Sa mort a suscité un grand émoi dans la région et électrisé les prises de position de la droite et de l'extrême droite sur le thème de l'insécurité et des dangers de l'immigration.
"Zone de non-droit"
Cette semaine, la maire LR de Romans, Marie-Hélène Thoraval, a de nouveau appelé la justice "à ne pas écarter la thèse de l'attaque motivée par du 'racisme antiblanc'", tout en pointant une nouvelle fois l'appartenance de certains suspects à la cité de la Monnaie, quartier sensible de sa ville qu'elle a décrite sur BFM-TV comme une "zone de non-droit". Alexis Joly, député RN de l'Isère, s'est pour sa part indigné sur son compte X que "des hordes de criminels viennent faire des massacres au couteau dans les fêtes de village" en promettant que "le RN y mettra un terme une fois au pouvoir".
Le drame de Crépol avait également renforcé l'ultradroite identitaire qui avait multiplié les actions sur le terrain, avec notamment un défilé cagoulé fin novembre à Romans, sanctionné pour quelques-uns par des peines de prison.