Six ans après l'effondrement des deux immeubles de la rue d'Aubagne à Marseille, le procès s'est ouvert au début du mois de novembre, avec 16 prévenus et 87 parties civiles. Ce jeudi 28 novembre, les erreurs commises par le bailleur social, propriétaire du numéro 63, ont été passées en revue.
L'accumulation de fautes du bailleur de la ville de Marseille, propriétaire du 63 rue d'Aubagne, a été disséquée jeudi au tribunal, qui a fait l'autopsie d'un immeuble devenu "une enveloppe vide" incapable de contenir l'effondrement de son voisin. Au 15ème jour du procès de la tragédie dans laquelle huit personnes sont mortes, le tribunal correctionnel s'est penché sur le cas d'un des deux immeubles effondrés.
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La façade commençait "à vouloir s'ouvrir sur la rue"
Cet immeuble "partait en catastrophe", selon Christian Gil, le président de Marseille Habitat, lorsque ce bailleur social en devient propriétaire dans les années 2000, du fait des carences des copropriétaires à le maintenir en état. "Si la ville ne l'avait pas identifié" et vidé de ses occupants, "on aurait pu avoir une situation encore plus catastrophique", a-t-il rappelé. Mais Marseille Habitat, renvoyée par le parquet comme personne morale, est accusée notamment de ne pas avoir diligenté d'analyse structurelle du bâtiment, dont elle obtient la pleine jouissance en 2017.
Un architecte, missionné pour un audit dès 2009, a expliqué à la barre qu'il était "surtout inquiet de la façade", qui "commençait à faire ventre et à vouloir s'ouvrir sur la rue", et avait donc préconisé de la sécuriser par un "maillage". Mais il ne verra jamais la cave, qui n'apparaît même pas sur les plans de coupe de l'immeuble. "Ce n'est pas étonnant qu'en 4 ans on n'ait pas visité la cave ? Ce n'est pas un préalable essentiel pour assurer la sécurité d'un immeuble ?", a insisté le président, Pascal Gand. Elle était fermée à clés, répond l'architecte, "je n'allais quand même pas appeler un serrurier!"
Des travaux pour "retirer les cloisons"
En ignorant les sous-sols, Marseille Habitat est ainsi passée totalement à côté du "bouffement" du mur mitoyen entre le 63 et le 65, ruisselant, qui a "cédé dès que l'immeuble du 65 rue d'Aubagne s'est effondré et il n'a pas été en mesure de juguler l'effondrement ou d'en limiter les effets", ont déploré les magistrats instructeurs. Le bailleur social se voit aussi reprocher les travaux de déstructuration qui ont pu fragiliser la structure déjà vacillante du 65, selon l'accusation : Christian Gil, cité à comparaître par les parties civiles, avait fait "retirer les cloisons" de l'immeuble pour l'"alléger".
"Retirer des cloisons devenues porteuses sans se préoccuper du report de charge, c'est dramatique", a déploré à la barre l'expert cité par la justice, Henri de Lepinay. Au moment de l'effondrement, le 5 novembre 2018, ont constaté les enquêteurs, le 63 rue d'Aubagne n'était plus qu'"une enveloppe vide".