Vers une nouvelle mise en cause pour Nicolas Sarkozy ? L'ex-chef de l'État est interrogé depuis mardi matin à Paris par un juge d'instruction dans l'enquête sur des manœuvres frauduleuses pour le disculper dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle 2007.
Nicolas Sarkozy pourrait ressortir de cet interrogatoire mis en examen ou sous le statut de témoin assisté
Nicolas Sarkozy est arrivé vers 10 heures en voiture et ses avocats sont venus de leur côté. "M. Nicolas Sarkozy est actuellement entendu en interrogatoire de première comparution par les magistrats instructeurs dans le cadre de l'information judiciaire ouverte en mai 2021" après la rétractation de Ziad Takieddine, a confirmé à l'AFP une source judiciaire. "Sa convocation porte sur les chefs de recel de subornation, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'escroqueries en bande organisée et association de malfaiteurs en vue de la corruption de personnels judiciaires étrangers", a précisé cette source.
Selon la teneur de ses déclarations devant le magistrat instructeur et l'appréciation qu'en fera celui-ci, Nicolas Sarkozy pourrait ressortir de cet interrogatoire mis en examen ou sous le statut moins incriminant de témoin assisté, qui lui donne un accès au dossier tout en excluant un procès le concernant.
Un interrogatoire de plusieurs jours
L'ex-chef de l'État, qui a contesté toute participation aux faits, est suspecté d'avoir donné son aval ou laissé faire plusieurs personnes qui auraient tenté d'escroquer la justice pour le disculper dans le dossier libyen, qui sera, lui, jugé début 2025. Cet interrogatoire, qui pourrait durer plusieurs jours, était prévu du 12 au 14 septembre mais avait été repoussé.
Outre Nicolas Sarkozy, la justice soupçonne au moins neuf protagonistes d'avoir participé, à des degrés et moments divers, à cette opération, parmi lesquels la reine des paparazzis Mimi Marchand, l'escroc Noël Dubus, le défunt financier Pierre Reynaud, etc.
Le premier événement qui a attiré l'attention de la justice est la spectaculaire volte-face de l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, dans une interview à Paris Match - BFMTV mi-novembre 2020, puis dans une lettre adressée un mois plus tard aux magistrats instructeurs français. À ces deux occasions, M. Takieddine avait assuré que la campagne de M. Sarkozy n'avait pas été financée par les Libyens, une déclaration contraire à ses précédentes affirmations dans le dossier.
"Aucun élément concret ne peut m'incriminer dans cette folie"
Pour les enquêteurs, selon un chiffrage récemment établi, au moins 608.000 euros auraient pu être utilisés dans cette opération. Une partie des protagonistes auraient ensuite, dans le premier semestre 2021, également cherché une hypothétique preuve que le retentissant "document libyen", publié dans l'entre-deux-tours de la présidentielle 2012 par Mediapart et évoquant un financement de la campagne 2007 de M. Sarkozy à hauteur de 50 millions d'euros, était un faux. Ils auraient encore tenté d'obtenir la libération au Liban d'un fils Kadhafi dans l'espoir que la famille du défunt dictateur libyen facilite la mise hors de cause de M. Sarkozy.
Dans cette "affaire d'une gravité majeure", selon le mot du juge d'instruction dans une ordonnance de fin 2021, l'ex-chef de l'État a fermement contesté toute participation aux faits incriminés pendant douze heures lors de son audition libre mi-juin, devant les enquêteurs financiers de l'office central contre la corruption (OCLCIFF).
Il a indiqué avoir été mis au courant du souhait de M. Takieddine de changer de version par Mimi Marchand en octobre 2020, un mois avant que l'information ne soit publique. Mais "aucun élément concret, matériel, de téléphonie, ne peut m'incriminer dans cette folie, ni de près, de ni de loin", a assuré M. Sarkozy.
Nicolas Sarkozy empêtré dans deux autres affaires
Longuement interrogé sur son agenda et sa téléphonie de la fin 2020 et du début 2021, qui suggèrent des rendez-vous ou conversations à des moments-clés avec des protagonistes du dossier, M. Sarkozy a évoqué quelques "coïncidences" et nié tout contact significatif avec la plupart des mis en cause. Pour lui, "toute cette petite bande n'a que pour seule préoccupation de se faire mousser les uns par rapport aux autres" en prétendant être en contact avec lui, a encore dit l'ex-président.
L'agenda judiciaire de M. Sarkozy, qui promeut actuellement son dernier livreLe temps des combats, est très chargé. Outre le procès du financement libyen, il sera jugé en novembre en appel dans le dossier Bygmalion. Dans une autre affaire, celle dite "Bismuth", le Conseil constitutionnel a ouvert jeudi la voie à un éventuel nouveau procès pour raisons procédurales. "Je suis propre", avait assuré début septembre M. Sarkozy, interrogé sur l'ensemble de ces mises en cause judiciaires.