Le 23 février dernier, l’Américaine Julianne Moore remportait l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle de femme qui se découvre atteinte de la maladie d’Alzheimer. Le lendemain, la Alzheimer's Association publiait un communiqué pour féliciter et remercier la comédienne “au nom des plus de 5 millions d’Américains atteints de la maladie”. “Sa magnifique performance contribue à mieux sensibiliser le public et incite à parler davantage de la maladie d'Alzheimer”, précisait le communiqué.
La maladie et le handicap sont régulièrement abordés au cinéma mais un film peut-il réellement contribuer à sensibiliser l’opinion ? Europe1 a posé la question à plusieurs associations.
Rain Man (1989) sur l'autisme : "un film que tout le monde ou presque a déjà vu et qui a jeté des bases"
LE FILM. A la mort de ses parents, pour une histoire d’héritage, l’homme d’affaires Charlie Babbitt découvre l’existence de Raymond, son propre frère, autiste, qui vit dans une maison spécialisée. Dustin Hoffman s’est glissé avec brio dans ce rôle complexe de “Rain Man”. Le film, quatre fois oscarisé lors de sa sortie en 1989, dépeint un homme bourré d’étranges tics, en proie à de furieuses crises d’angoisse et inadapté à la société, mais qui présente aussi de remarquables capacités intellectuelles. Le personnage s’inspire en fait d’un homme qui a réellement existé, Kim Peek, un Américain atteint du “syndrome du savant”, présentant des handicaps liés au développement mais aussi, une mémoire exceptionnelle. Il était capable de se souvenir de plus de 9.000 livres par coeur, selon son père, ou de lire deux pages à la fois, une par oeil.
LE REGARD D'UNE ASSOCIATION. Pour Christine Meignien, présidente de la Fédération Française Sésame Autisme, la sortie de Rain Man, a marqué un tournant positif : "quand le film est sorti, en 1989, il a permis de jeter des bases à un moment où l’on connaissait assez mal l’autisme. A l’époque, on parlait encore de 'maladie psychiatrique' ou de 'psychose infantile' et non pas d’un handicap tel qu'il est reconnu aujourd’hui", a-t-elle expliqué à Europe1. Pour elle, le film est "assez juste" : "le travail de Dustin Hoffman sur les mimiques et les comportements est vraiment réaliste. Les rituels pour ne pas perdre les repères, c’est une réalité chez les personnes autistes". Si Rain Man a marqué les esprits, "malgré tout, après la sortie du film, il y a eu comme un grand vide et on a mis du temps avant de reparler de l’autisme", déplore-t-elle avant d'ajouter : "il y a encore beaucoup de progrès à faire".
La guerre est déclarée (2010) sur le cancer d'un enfant : "depuis, on parle plus librement du cancer des enfants"
LE FILM. Le film raconte le combat de Roméo et Juliette contre la maladie de leur enfant, Adam, atteint d’une tumeur rare au cerveau. Le scénario s’inspire de faits réels, vécus par la réalisatrice Valérie Donzelli et son ancien compagnon Jérémie Elkaïm, parents d'un enfant malade, qui jouent également dans le film. Comme l’ont expliqué les deux acteurs, ils se sont servi de leur "expérience de la maladie", en montrant le côté "énergisant" que peut donner un tel combat.
LE REGARD D'UNE ASSOCIATION. "Même si tout le monde connaît dans son entourage quelqu’un qui a souffert d’un cancer, la proportion est plus faible pour le cancer des enfants. Donc pour nous, tout ce qui contribue à sensibiliser l’opinion sur cette maladie est positif”, relève Christophe Rouvier, responsable de la communication de la Fédération enfants et santé qui a pour but de sensibiliser l’opinion publique et de récolter des fonds pour aider la recherche. D'après lui, le film a eu un impact "certain" bien que difficile à évaluer : "on a des gens qui nous parlent de la maladie à travers ce qu’ils ont appris dans ce film", raconte-t-il. "D'ailleurs, lorsque le film est repassé à la télévision début février, une quinzaine de personnes sont venues m’en parler", dit-il à Europe1. Marie-Hélène Nguyen, la présidente nationale de la Fédération enfants et santé, elle aussi interrogé par Europe 1, se félicite que la réalisatrice ait osé s'attaquer à "un sujet tabou". "Depuis, on parle plus librement du cancer des enfants", estime-t-elle en saluant un film "réaliste sans être misérabiliste, trash ou voyeuriste".
Intouchables (2011) sur la tétraplégie : "on voit la personne avant de voir le fauteuil"
LE FILM. Ce succès du box-office est l'histoire d'une amitié improbable : celle qui va naître entre un tétraplégique fortuné et un jeune de banlieue engagé comme auxiliaire de vie. Deux mondes, deux assistés. Le premier, prisonnier de son propre corps à la suite d’un accident de parapente, se réfugie dans les livres (qu’on lui lit) et est au bord de l’asphyxie. Le second, Driss, immigré sénégalais, vit des Assedic depuis sa récente sortie de prison. Avec ses manières directes et son franc-parler, le jeune de banlieues va redonner à Philippe le goût de vivre.
LE REGARD D'UNE ASSOCIATION. Pour Kareen Darnaud, vice-présidente de l'Association des paralysés de France, aller voir ce film était "une évidence". Elle se félicite que le film soit à la fois "sensible et plein d'humour, mais pas larmoyant du tout". "On voit une personne qui a eu une vie avant son accident et qui s’adapte à une vie différente. Il a la même envie de vivre et de faire des choses qu’avant, sauf que, désormais, il a besoin d'aide pour les faire", résume-t-elle. "On voit la personne avant de voir le fauteuil", se félicite celle qui vit, elle, avec son handicap depuis sa naissance. Kareen Darnaud affirme avoir ressenti après le film "un changement de regard" non pas de la part de ses proches mais plutôt des personnes extérieures : "souvent le handicap fait peur et ils m’ont vue autrement", souligne-t-elle. La limite du film selon elle ? "Le personnage a de la chance, il a de l'argent, il peut choisir son auxiliaire de vie', relève-t-elle.
Still Alice (2015) sur la maladie d'Alzheimer : "le spectateur se met à la place de la personne atteinte"
LE FILM. Une mère de famille, professeur de linguistique reconnue, commence à ressentir des troubles de mémoire. Le diagnostic tombe : Alice est atteinte d'une forme rare de la maladie d'Alzheimer. L'annonce va bouleverser sa vie et ses relations avec ses proches.
Découvrez un extrait du film dans lequel l'héroïne s'égare, tout près de chez elle, sur un trajet qu'elle connaît bien...
LE REGARD D'UNE ASSOCIATION. Brigitte Huon, vice-présidente de l'Association France Alzheimer Paris, a vu le film le jour même de sa sortie. Ce qu'elle a apprécié ? "Le recentrage sur la personne atteinte par la maladie : on vit avec elle l'apparition des symptômes, des troubles de la mémoire. On se met à sa place", explique-t-elle. C'est pour elle la force du film sur une maladie où la parole est souvent davantage donnée à l'entourage* : "c'est vraiment son point de vue, la façon dont elle perçoit la maladie, le brouillard autour d'elle", précise Brigitte Huon. Les biais du film ? Outre le fait que tout se passe "dans un milieu très favorisé", "il est question d'une forme très rare de la maladie d'Alzheimer". Une forme de maladie familiale peu courante qui est susceptible d'inquiéter, selon elle : "dans le film, les enfants d'Alice sont peut-être atteints par la maladie. Cela peut être anxiogène pour les familles" alors que cette réalité n'est celle que d'une toute petite minorité. Autre détail qui a frappé Brigitte Huon : "à part le soutien de sa famille, Alice est assez seule face à sa maladie. En réalité, on propose des activités thérapeutiques et ce en France comme aux Etats-Unis."
* France Alzheimer lance à ce sujet pour la première fois en France un questionnaire Opinion Way auprès des personnes malades intitulé "Maladie d’Alzheimer : la parole des personnes malades". Le questionnaire sera mis en ligne à partir du 24 mars à l’adresse suivante : http://www.francealzheimer.org/