Le premier film d’Hélène Fillières, Une histoire d’amour raconte la relation de deux amants déchirés, pris dans une spirale mortifère.
La réalité du fait divers n’intéressait pas Hélène Fillières. C’est pourtant une histoire vraie qui a d’abord inspiré un roman, Sévère de Régis Jauffret, avant de lui donner l’idée d’un film. En février 2005, le corps criblé de balles du banquier suisse Edouard Stern est retrouvé dans son appartement de Genève. Assassiné par sa maîtresse, il porte au moment de sa mort une combinaison en latex. La réalisatrice tenait la fin de son film. Comment les amants ont-ils pu en arriver là ? A partir de cette issue tragique, Hélène Fillières n’a pas enquêté. Elle a "tout simplement imaginé".
Benoît Poelvoorde dans la peau du banquier, Laëtitia Casta dans celle de sa maîtresse, Richard Bohringer dans le rôle du mari encombrant…et une ambiance. Froide, lisse, comme la baie vitrée d’un très bel appartement. Le duo amoureux évolue dans un univers esthétique désincarné que seul le bref passage d’un groupe d’enfants - à l’angle d’une banque - vient briser un instant. La vraie vie affleure puis renonce.
Intérieurs parfaits, banquettes en cuir, sofas luxueux, canon brillant d’un revolver, chemises blanches, corps nus qui surgissent de la pénombre, jeu de matières, de couleurs … L’image est belle mais accentue au fil des plans la sensation de malaise, voire d’étouffement. Au fond, tout dans le rapport de ces amants semble refuser la vraie rencontre. C’est l’amour par le truchement du sexe ou de l’argent.
Danse macabre
Laëtitia Casta dessine avec brio les contours d’un ange démoniaque. Benoît Poelvoorde excelle en être hypersensible et destructeur. Ensemble ils se livrent à un jeu dangereux qui ne pouvait pas bien finir. Lui ne sait jouir que dans la douleur, détruit ce qu’il ne parvient pas à posséder et se déteste. Elle est « trop belle pour lui », lui échappe et est tout à la fois sa prisonnière, souffre ses humiliations. Aucun d’eux n’acceptera jamais de baisser les armes et l’on connaît l’issue.
A l’écran, on aperçoit davantage la vaine tentative de deux solitudes à entrer en contact que l’Histoire d’amour annoncée. Les amants se défient, se blessent et se déchirent dans une étrange danse macabre dont le spectateur n’a pas les clés.
Regardez la bande-annonce d'Une histoire d'amour :
L’autre protagoniste du film est l’argent, que l’on respire sans le voir jamais. « Le mot revient, telle une obsession, un tic de langage, le symptôme d’une pathologie. » Comment l’amour et l’argent coexistent-ils ? se demande la réalisatrice. Un jour, le banquier fait une promesse d’un million de dollars à sa maîtresse, qui exige finalement qu’il la tienne. « Une façon malade d’évaluer l’amour qu’ils se portent »explique Hélène Fillières. Car c’est bien d’amour qu’il s’agit.
Une histoire d’amour, d’Hélène Fillières, en salles le 9 janvier. D’après le roman de Régis Jauffret. Musique composée par Etienne Daho. Un film Europe 1.