Après une sélection discutée, le palmarès du 65ème Festival de Cannes établi par Nanni Moretti et ses jurés consacre de nombreux habitués de la Croisette mais pas de stars.
Et une Palme d'or de plus pour Michael Haneke. Trois ans seulement après Le ruban blanc, le cinéaste autrichien est de nouveau reparti avec la Palme d'or dimanche soir. Son film Amour, qui met en scène un vieux couple interprété par Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, a séduit le jury emmené par Nanni Moretti. L'Italien a remis la récompense suprême en insistant sur "la contribution fondamentale" des deux acteurs principaux. Ces derniers étaient d'ailleurs sur scène lors de la remise de la Palme.
Le cinéaste autrichien à la chevelure blanche a remercié "profondément" ses "acteurs géniaux". Jean-Louis Trintignant a ensuite ému la salle en partageant cette palme en six "quarts" : l'un pour les producteurs, l'un pour le metteur en scène qui "est à mon sens le plus grand metteur en scène vivant", deux autres pour Emmanuelle Riva et Isabelle Huppert, qui joue sa fille dans le film.
Enfin un cinquième quart à l'équipe du film et le sixième à sa "moitié". Il a terminé en citant "un petit poème" de Jacques Prévert: "Et si on essayait d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple ?"
La remise de la Palme d'or et les discours de Haneke, Riva et Trintigant :
Joli doublé pour Au-delà des collines. Le film roumain de Cristian Mungiu est l'autre grand gagnant de la soirée. Son réalisateur, qui avait reçu la Palme d'or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, a reçu le prix du meilleur scénario.
Quelques minutes plus tard, ses deux actrices principales ont été reçues, ensemble, le prix d'interprétation féminine. Cosmina Stratan et Cristina Flutur, débutantes toutes deux n'ont pu cacher leur émotion sur scène. "Nous descendons à peine de l'avion", ont-elles soufflé, remerciant "tous ceux qui ont vu le film avec passion".
Le film raconte le destin tragique d'une jeune femme, orpheline perturbée, dans un monastère roumain qui semble vivre au Moyen-Age. Son scénario est largement inspiré d'un fait divers qui défraya la chronique en 2005 lorsqu'une jeune fille trouva la mort après une séance d'exorcisme dans un monastère perdu dans le nord-est de la Roumanie, région d'origine du cinéaste.
Un "méchant de James Bond" distingué. L'acteur danois Mads Mikkelsen, connu pour son rôle de "méchant" dans Casino Royale, a décroché le prix d'interprétation masculine pour son rôle dans La Chasse de Thomas Vinterberg.
L'acteur y incarne un bouleversant père divorcé accusé à tort d'abus sur une fillette et qui se retrouve mis au ban de la société, victime expiatoire des peurs contemporaines.
L'acteur de 46 ans, "très touché", a dit sa "surprise" - il est revenu précipitamment de Bucarest où il se trouve en tournage - en s'excusant de ne pas parler français "sauf quand je bois, mais pas maintenant".
Une Palme pour la comédie de Ken Loach. C'était la seule comédie en compétition : La part des anges du Britannique décroche le prix du Jury.
Le film raconte la débrouille d'une bande de délinquants à Glasgow et le sauvetage de l'un d'entre eux... par la découverte du whisky.
Cinéaste engagé, grand habitué de Cannes où il a présenté onze films, Ken Loach a dédié à ceux qui "résistent aux plans d'austérité dans le monde". "Cannes nous montre que le cinéma n'est pas qu'un divertissement", a aussi déclaré le cinéaste de 75 ans en recevant son cinquième prix cannois.
Les Français, grands oubliés du palmarès. Le cinéma français brille... par son absence dans le palmarès établi par le jury de Nanni Moretti.
Audiard, Carax, Resnais, Cotillard dont les noms ont pourtant circulé pour telle ou telle Palme n'ont pas été récompensés.
Seuls Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant ont, indirectement, été salués pour leur performance dans Amour, Nanni Moretti soulignant leur "contribution fondamentale" à la Palme d'or.
Et aussi : pour le Prix de la mise en scène, c'est le Mexicain Carlos Reygadas pour Post tenebras lux qui a été récompensé pour une parabole sur la violence qui étreint le Mexique, accueilli de façon très mitigée par les festivaliers. La Caméra d'Or, prix récompensant un premier film toutes sélections cannoises confondues, a couronné le film américain Les bêtes du Sud sauvage, conte philosophique en Louisiane, illuminé par une fillette de 6 ans qui crève l'écran. Le réalisateur turc Rezan Yesilbas, 34 ans, a remporté la Palme d'or du court métrage pour Silence.