Son regard tranche avec celui de sa génération. Pour Charles Ratton, (1897-1986) figure du marché de l’art, insatiable collectionneur, les objets dits "non occidentaux" sont des œuvres d’art. Sans conteste. Sa sensibilité et son érudition l’ont conduit à s’intéresser à toutes sortes de masques, statues, ou coiffes issus des arts de cour d'Afrique, puis aux objets anciens d’Océanie et d’Amérique et plus farfelu pour l’époque encore, aux objets d’art eskimo.
L’exposition propose au public de découvrir la vie d’un des plus grands marchands d’art parisiens des années 30, à travers plus de 200 œuvres qui retracent son parcours : ses amitiés avec les Surréalistes (André Breton, Paul Eluard), ses collaborations photographiques avec Man Ray ou encore son rôle majeur aux côtés de Jean Dubuffet dans la définition de l’art brut.
Philippe Dagen, historien de l’art et professeur d’histoire de l’art contemporain, revient sur le regard de Charles Ratton
"On s’intéressait à ces objets parce qu’ils étaient laids"
"Autour de 1906, des artistes tels que Picasso, Braque, s’intéressent déjà aux arts extra-occidentaux, et y voient des œuvres d'art, expressives et fortes à la différence de la majorité de leurs contemporains qui les considèrent comme laids, comme les témoins de l’infériorité de peuples placés sous domination coloniale" explique Maureen Murphy, historienne de l’art.
"Dans les années 30, les choses s’académisent, s’institutionnalisent et Charles Ratton participe à ce mouvement. Il introduit surtout une nouvelle donne en s’intéressant à des objets de cour, à des objets de prestige et non plus à des objets fétiches, des objets de culte considérés alors comme effrayants ou repoussants, tel qu'avaient pu le faire les artistes des années 1910, dans un geste provocateur et subversif." Sa curiosité se porte tout particulièrement sur des objets d’art royal, en bronze, en ivoire... Toujours, en précurseur.
Charles Ratton, l’invention des arts primitifs, au Musée du Quai Branly, du 25 juin au 22 septembre 2013, avec Europe 1.