C'est un documentaire fascinant. Citizenfour, sur les écrans mercredi, raconte, de l'intérieur, les toutes premières rencontres secrètes entre trois journalistes et l’informaticien américain Edward Snowden, auteur, en 2013, des révélations choc sur l'espionnage de grande ampleur opéré par la NSA, l'agence de sécurité américaine. A l'époque, Snowden contacte deux journalistes, dont la documentariste Laura Poitras, sous le pseudonyme "Citizenfour". C'est ce récit, presque irréel, qu'elle livre, brut, dans son documentaire, réalisé avec le consentement de Snowden. Citizenfour, qui retrace l'histoire du "lanceur d'alerte" de Hong Kong à Moscou, où il a trouvé refuge, vient de recevoir l'Oscar du meilleur documentaire.
Plus fort qu'un thriller. "Laura, à ce stade je ne puis t'offrir que ma parole. Je suis cadre pour les services de renseignement gouvernementaux. J'espère que tu comprends à quel point il est dangereux de te contacter." Signé : 'Citizenfour'. C'est par ces mots, dignes d'un thriller, qu'Edward Snowden a contacté la documentariste Laura Poitras pour la première fois en 2013. 'Citizenfour', comme la documentariste l'apprendra peu après, n'est autre qu'Edward Snowden, le lanceur d'alerte dont le nom est aujourd'hui intimement lié à "L'affaire Snowden", l'une des plus grandes affaires d'espionnage de ces dernières années.
Ambiance. En mai 2013, Snowden invite la documentariste et le journaliste américain du Guardian, Glenn Greenwald à le rejoindre à Hong Kong, pour leur transmettre des documents de la plus haute importance. Ces derniers quittent New York pour Hong Kong avec un autre journaliste du Guardian, Ewen MacAskill. Le "lanceur d'alerte" livre alors des informations sur les vastes programmes illégaux de surveillance planétaire de l'agence de sécurité américaine, la NSA, et de l'agence de renseignements britannique, le GCHQ. Il fournit pour preuve des milliers de documents dérobés, placés sur une clé USB. A partir de là, le documentaire de Laura Poitras prend une tournure irréelle. Le spectateur assiste, dans l'atmosphère confinée d'une chambre d'hôtel, aux tous premiers échanges "top secrets" des journalistes avec Edward Snowden. Son seul souhait, dit-il, est d'informer les citoyens américains. On suit alors leurs discussions, au cours d'un incroyable huis clos, qui va déboucher sur la publication par la presse des révélations sur la NSA.
Paranoïa. Le documentaire comporte plusieurs scènes très fortes. Snowden agit comme un agent secret. On frémit lorsque, par peur de l'espionnage visuel, il se couvre la tête d'un drap pour travailler sur son ordinateur, sous l'œil étonné des journalistes. Dans une autre séquence, par peur des écoutes cette fois, il communique par écrit avec le journaliste Glenn Greenwald. Finalement, l'oppression gagne peu à peu le spectateur lui-même. A tel point qu'on sursaute lorsqu'une alarme incendie inexpliquée résonne dans les couloirs de l'hôtel et qu'on n'en mène pas large devant les visages des journalistes, d'abord incrédules, qui se décomposent.
Portrait d'Edward Snowden, personnage central du film. Déterminé, calme et méticuleux, on découvre les motivations mais aussi la personnalité d'Edward Snowden. Le trentenaire a pleinement conscience des risques qu'il encourt. Très courtois, l'esprit vif, il prend le temps, calmement, de répondre à toutes les questions des journalistes, de leur décrypter des messages. Ensemble, ils discutent aussi stratégie pour convenir de la manière de dévoiler ces informations au grand public. On perçoit enfin, de l'intérieur, le sacrifice de Snowden qui a choisi de se volatiliser, laissant derrière lui son amie, pour la tenir à l'écart de ce qui lui arrive.
Aujourd'hui, Edward Snowden, inculpé par le gouvernement américain d'espionnage, de vol et d'utilisation illégale de biens gouvernementaux, a trouvé refuge en Russie, où il a obtenu l'asile temporaire.
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