Dans son spectacle Robot !, sur la scène du Théâtre des Champs Elysées du 23 décembre au 5 janvier, la chorégraphe espagnole Blanca Li met en scène six robots humanoïdes NAO, des machines musicales et des danseurs, de chair et d’os. Une manière d’explorer, à travers la danse, les relations de l’homme et de la machine, qui ont tant inspiré l’art, dans un spectacle plein de poésie.
En 20 ans, Blanca Li est devenue incontournable dans le monde de la danse : on lui doit par exemple les chorégraphies du clip de Daft Punk Around The world, ou encore la mise en scène des clips de Blur, ou des Rita Mitsouko. Elle a aussi collaboré avec des réalisateurs comme Michel Gondry, ou Pedro Almodovar, avec de grands couturiers, notamment Jean Paul Gaultier.
Après son spectacle de danse urbaine Elektro Kif, Blanca Li donne donc des robots pour partenaires à ses danseurs dans Robot ! :
>>> Europe 1.fr a demandé à la chorégraphe d’expliquer comment elle est parvenue à faire interagir l’homme et la machine :
D’où vous est venue cette idée de travailler avec des robots ?
J’ai d’abord commencé tout petit, dans mon quotidien. J’ai commencé à observer le nombre d’interactions avec la machine à mon échelle. Avec les portables, les ordinateurs, les échanges sont innombrables. Ça m’a pris trois ans entre l’idée de travailler avec des robots et l’élaboration du spectacle. Pour mes recherches en robotique, je me suis rendu compte que ça se passait beaucoup au Japon et j’ai décidé de partir en voyage, à Tokyo. Avec mon partenaire, j’ai rencontré beaucoup d’artistes, des scientifiques, et des chercheurs d’université.
Pourquoi avoir choisi le petit robot NAO ?
En rentrant du Japon, quelqu’un m’a parlé d’un petit robot français, appelé NAO. J’ai été séduite en le voyant. Il a à peu près la taille d’un enfant de un an. Après démonstration, je l’ai trouvé très mignon, très gracieux, il est aussi très souple. Avec lui, je me suis dit que je pouvais peut être créer un personnage et lui donner vie. Ça, c’était très important pour moi : je voulais qu’on oublie la machine. Je voulais qu’on ressente des émotions pour ces robots.
Et pour le pas de deux entre un danseur et le robot NAO, est-ce qu’il y a une part d’improvisation ?
Il n’y a aucune improvisation. Ce moment de danse entre NAO et un danseur a été le plus difficile à concevoir de tout le spectacle. C’était la première apparition de NAO. Je voulais parvenir à créer un lien entre le danseur et le robot pour partager un vrai moment d’émotion. Le robot devait dégager une personnalité, il fallait qu’il soit un interprète. Ça a été très très dur. Finalement, il apparait un peu comme un enfant. D’ailleurs, pour cette séquence, je suis retournée en arrière, j’ai pris conscience de toutes les limites des robots, le problème de l’articulation, de l’équilibre, de la souplesse etc. J’étais constamment bloquée par les problèmes techniques. Je me suis rendu compte, à partir de là, de la richesse de mon propre corps. Arriver à faire danser NAO, c’était comme travailler avec un enfant qui apprenait ses premiers pas. J’ai dû faire toute une recherche sur les mouvements. De là a surgi la première partie du spectacle : le corps qui découvre le corps, la découverte des premiers mouvements. On a fait travailler NAO comme Pinocchio, on lui a lentement donné vie. D’un coup, on y croit et il fait soudain partie du spectacle !
Il y a aussi dans le spectacle des robots qui font de la musique, pourquoi les avoir introduits ?
Au Japon, je suis tombée sur le Collectif d’artistes Maywa Denki, qui créé les machines musiciennes automates. Avant la rencontre avec ce collectif, j’avais encore une idée assez vague des possibilités de faire entrer en contact danseurs et machines. C’est à travers ces automates que j’ai rencontré quelque chose de poétique et que j’ai eu une idée plus précise du lien. On a passé presque deux ans à travailler avec ce collectif. Certaines machines musiciennes existaient déjà et d’autres ont été créées spécialement pour mon spectacle. Mon compositeur devait comprendre comme les machines marchaient pour composer sa musique, il a aussi fallu que les techniciens se familiarisent avec ces machines etc.
Il y a dans le spectacle des clins d’œil très amusants à l’homme devenu machine, qui court partout, c’est donc un travail dans les deux sens, l’homme qui devient machine et la machine humanoïde ?
Dans cette interaction, il n’y a pas que la machine qui vient vers nous. Il y a aussi une adaptation de l’homme à la machine. Par exemple, je travaille trois fois plus qu’avant. Parce qu’aujourd’hui, je n’ai pas besoin d’attendre une réponse, je peux l’obtenir très rapidement par mail. On devient plus rapides, plus efficaces. Les machines doivent aussi être adaptées à nous. La recherche sur les robots de compagnie, c’est aussi une recherche sur la facilité d’utilisation. Je voulais que cette interaction dans les deux sens apparaisse dans le spectacle.
A la fin du spectacle, un petit robot NAO séducteur cherche à prendre la place d’un homme auprès de la danseuse…
C’était un clin d’œil aux fantasmes autour de la machine. Le robot érotique. Les poupées existent déjà, il y aura probablement aussi le robot sensuel, s'il n'existe pas déjà. C’est le robot humanoïde sensuel, sexuel même, qui a inspiré tellement de films, de livres, de bandes-dessinées, qui a attiré mon attention.
Robot, un spectacle de Blanca Li, à voir au Théâtre des Champs Elysées, à Paris, du 23 décembre 2013 au 5 janvier 2014.
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