Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte sont scénaristes, auteurs et dialoguistes. La rencontre entre le duo remonte à 2004. Depuis dix ans, ils ont écrit ensemble d'innombrables comédies. On leur doit par exemple Les parrains, mais aussi la pièce de théâtre Le Prénom mise en scène par Bernard Murat en 2010. Le triomphe a été tel au théâtre Edouard VII que les deux scénaristes ont décidé de porter la pièce à l'écran l'année suivante. Cette fois, ils se sont attaqués au scénario du film Papa ou maman, avec Marina Foïs, et Laurent Lafitte, sur les écrans mercredi. L’histoire ? Un père et une mère se disputent pour ne pas avoir la garde des enfants.
>> Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte nous racontent comment ils ont travaillé sur l'humour dans cette comédie.
"L'humour, quelque part, ça ne s'explique pas." Pour l'écriture, leur fonctionnement est toujours le même, depuis dix ans. "On discute pendant des semaines, on se met d'accord sur les personnages, l'histoire, la trame ", révèlent-il. Une fois le scénario séquencé, ils se partagent les thèmes.
"Tester le résultat sur l'autre". Ensuite, vient une étape très importante,"surtout pour la comédie" : chacun devient "le premier spectateur de l'autre". A la lecture, "soit ça fait rire l'autre, soit on fait un énorme bide et on se dit que si ça ne fait pas rire son ami, il y a peu de chances que ça passe…" Autrement dit, il y a un côté 'immédiateté' dans l'humour. Pire… " l'humour, quelque part, ça ne s'explique pas", disent les scénaristes. "C'est-à-dire qu'il y a un moment où une blague, pour des raisons assez mystérieuses, marche ou ne marche pas. C'est un peu comme chanter juste ou pas."
une fois que les scénaristes se sont lus les scènes, ils se "remettent à travailler." Ils décortiquent, changent des choses, font évoluer l'écriture." Mais Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte tiennent avant tout "à la fraîcheur". C'est même le plus important selon eux. Ils s'efforcent ainsi de "préserver la première sensation".
La séance de lecture "pour les points forts et les points faibles." "Toutes les écritures ne se ressemblent pas", précise Alexandre de la Patellière. Pour Papa ou maman, quand on est arrivé sur le scénario, Marina Foïs et Laurent Laffite étaient déjà attachés au projet. Les deux scénaristes avaient donc les acteurs sous la main pour les séances de lecture. "Ils ont très vite compris le sens des blagues, le rythme des scènes", se souviennent-ils. Et cette fameuse séance de lecture "donne une idée assez précise des points forts et des points faibles d'une scène."
L'obsession rythmique. "On a parfois des points de désaccord, ça arrive", avoue Matthieu Delaporte. "Mais si je trouve une blague très drôle que je la raconte à Alexandre et que ça ne le fait pas rire, force est de constater que ça ne fait rire que moi…" plaisante-t-il pour montrer à quel point l'humour "ne se négocie pas." Il faut "une évidence". Mais c'est encore plus fin que ça, expliquent les deux auteurs. "On n'a pas tellement une écriture de vannes", confient-ils. "Ce qui nous fait rire, c'est surtout du comique de situation", précisent-ils. Les personnages sont drôles grâce à l'enchaînement des actions et aux delà des répliques, presque malgré eux. "Notre obsession de construction est plus rythmique qu'autre chose", racontent ainsi les deux auteurs. L'humour est d'ailleurs souvent une affaire de rythme. "Parfois les choses sont drôles mais elles mettent trop de temps à être digérées. Et ce n'est pas toujours adapté aux échanges entre les personnages."
La sanction du public. Le duo a aussi une expérience de théâtre. Pour Le prénom, ou Un diner d'adieu cette année (un spectacle encore à l'affiche au théâtre Edouard VII), la première représentation a apporté "la réponse aux questions sur l'humour". C'est "la sanction du public."
Il arrive d'ailleurs que les auteurs aient des surprises. "Parfois les gens rient à un moment où on ne s'y attend pas. Parfois aussi, on est surpris parce qu'il y a des blagues dont on était convaincus qu'elles allaient marcher et en fait, elles 'marchouillent'… On retravaille, là encore", précisent les scénaristes.
Des projections test pour les films. "Pour Papa ou maman, on a aussi fait une projection-test après le montage", confient les scénaristes. Ce test devant le public "n'est pas fait pour adapter le montage au goût des gens, mais pour sentir l'humeur de la salle. C'est parfois à ce moment-là qu'on comprend qu'il faut rajouter un petit temps au montage, ou un regard, ou bien encore raccourcir, pour que ça devienne drôle…"
"L'humour, c'est très fragile." Le duo évoque d'anciennes aventures cinématographiques "malheureuses", parce que ce qu'ils avaient écrit était "mal compris". "L'humour est quelque chose de très fragile", résument-ils. "On change une petite chose, un petit temps, et de drôle, une scène devient pathétique ou triste…"
Les proches mis à contribution. Pour écrire le scénario de Papa ou Maman, Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte ont testé plusieurs gags sur leurs enfants. "Comme les parents tentent de se rendre les plus odieux possible pour ne pas obtenir la garde de leurs enfants dans le film, on a demandé à nos enfants quel était le pire truc qu'on pouvait leur faire." Ce qui est souvent revenu dans les réponses : "ce que vont en penser les copains." Les "parents qui foutent la honte, c'est le pire".
Une deuxième bonne raison de faire de leurs enfants un public ? "C'était compliqué de faire parler des enfants dans un film, de trouver des mots qui soient dans l'air du temps mais qui ne fassent pas plaqués. Donc c'est intéressant, avec un public de l'âge des protagonistes, de voir les choses qui les font 'tilter' ou qui les gênent. On a donc exploité nos enfants", sourient les scénaristes.