Dancing in Jaffa : danser pour rapprocher les communautés

Le documentaire "Dancing in Jaffa" sera en salles le 2 avril. © Dancing in Jaffa
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CINÉMA -

Dancing in Jaffa sort en salles le 2 avril. Un documentaire qui aborde le conflit israélo-palestinien par le prisme de la danse.

Le documentaire. "Ce que je leur demande de faire, c’est de danser avec l’ennemi". La phrase, prononcée par Pierre Dulaine dans Dancing in Jaffa résume l’enjeu du documentaire, en salle le 2 avril. Le scénario : un champion du monde de danse de salon, Pierre Dulaine, s’efforce de faire danser ensemble enfants juifs et arabes à Jaffa, en Israël.

Un projet ambitieux, développé dans le cadre du programme "Dancing Classrooms" - littéralement, écoles de danse - fondé en 1994 par Pierre Dulaine et Yvonne Marceau, avec qui il rafle les prix et concours de danse dans les années 70 et 80. Au départ destiné aux écoles publiques de New-York , le programme se développe avec succès : plus de 350 000 enfants en ont depuis bénéficié.

En 2011, Pierre Dulaine décide d’étendre le programme à Jaffa. Ce choix ne doit rien au hasard : le danseur, né dans ce faubourg de Tel-Aviv en 1944, a l’ambition de rapprocher les deux communautés en les faisant danser l’une avec l’autre. Le but : leur inculquer le respect, dépasser les hostilités, et s’affranchir du conflit.
 

Difficultés pour les parents. La guerre, dénominateur commun entre ces enfants et Pierre Dulaine, natif de Jaffa, où le danseur n’a jamais remis les pieds avant le projet du documentaire. Une ville que ce fils d’un soldat irlandais et d’une Palestinienne quitte à l’âge de quatre ans, lorsque les bombes s’effrondrent sur la cité, et contraignent à l’exil des milliers de palestiniens. A la création de l’Etat israélien, en 1948, les Dulaine partent trouver refuge dans la famille paternelle, à Belfast, mais se heurtent une fois de plus au poids de la religion. Le père de Pierre Dulaine est protestant, sa mère catholique : un mariage mal accepté par la famille irlandaise.  En 1949, la famille Dulaine s’installe en Jordanie, avant de revenir sept ans plus tard en Grande-Bretagne, après la crise du canal de Suez.

Une enfance ballotée au gré des conflits, qui forge le caractère de Pierre Dulaine. "J’ai eu la chance d’avoir le choix, et de grandir dans une famille ouverte et aisée", sourit le danseur, qui s’apprête à franchir les soixante-dix ans. De Jaffa, de Belfast, et de la Jordanie, Pierre Dulaine en garde un sens du cosmopolitisme. A l’aise en français, il maîtrise les langues paternelle comme maternelle : l’anglais et l’arabe. Ce qui a nettement facilité les relations avec les familles palestiniennes, plus difficiles à convaincre lors de la présentation du projet. "Culturellement, c’était plus compliqué pour eux d'accepter que les filles dansent avec des garçons, et que le projet soit filmé. Mais leur parler en arabe, avec mon accent palestinien, a instauré un rapport de confiance".

S'affranchir des communautés. Après avoir convaincu les familles puis cinq écoles juives, arabes et mixtes, le plus difficile a été de faire danser les enfants main dans la main. "Tu avais déjà parlé à un juif avant de danser ?" demande une fillette à une camarade de classe, face caméra. La réponse de son amie fuse, symbolique : "Non". Selon la réalisatrice, Hilla Medalia, la réussite du film, nommé au festival de Sundance, tient à la ténacité de Pierre Dulaine. "Il a réussi à créer un environnement sûr avec les enfants, tout en étant très amical et en instaurant des limites qui ne pouvaient pas être franchies. Ils l’ont respecté et écouté", assure la réalisatrice, qui doutait de parvenir à faire danser des enfants que la guerre a opposés.

Dancing In Jaffapar Europe1fr

Le défi de Pierre Dulaine, s'affranchir des communautés, s’est parfois heurté aux drames individuels, provoqués par le conflit. Une guerre que le long-métrage ne cherche pas à cacher. Présence policière, sirènes, hélicoptères : la caméra filme Jaffa prise d'assaut lors d’une manifestation de l’extrême-droite israélienne. Les cimetières et les prénoms des victimes des attentats suicides rappellent également un quotidien sous tension, et agitent le spectre de la guerre. En témoigne les consignes d’un père à ses enfants, sur le point de partir rendre visite à leurs proches à Gaza : "Si des roquettes tombent, cachez-vous sous le mini bus. Et surtout, ne jetez pas de pierres".

Si le film n’occulte pas la dimension politique, Pierre Dulaine la considère comme un obstacle, là où certains y voient la seule solution pour résoudre le conflit. "De nombreux habitants de Jaffa, qu’ils soient juifs ou arabes, veulent aller de l’avant. La politique se met souvent au milieu de cette volonté citoyenne". Un brin utopique, Pierre Dulaine ? "Bien sûr, la politique compte. Mais danser est plus important. C’est certes un peu cliché, mais lorsqu’on danse avec son ennemi, on peut résoudre le problème".

Le film Dancing in Jaffa, en partenariat avec Europe1, sortira en salles le 2 avril.