Detachment, à la croisée de solitudes

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Avec Detachment, Tony Kaye s’attaque au thème de l’éducation et réussit un film à la fois violent et sensible.

Après American History X, le réalisateur Tony Kaye s’attaque, dans Detachment, à une subtile fresque sur la solitude à travers le parcours  d’Henry Barthes (Adrien Brody), professeur, assigné pour trois semaines à un remplacement dans un lycée difficile de la banlieue New-yorkaise. Le film est l’histoire d’une rencontre entre de multiples détresses, celle du héros, qui s’efforce de tenir les émotions à distance, celle d’une équipe de professeurs, livrés à eux-mêmes dans un lycée en perdition, celle de jeunes adolescents en mal de vivre… 

Henry n’a personne dans sa vie sinon son grand-père, sénile, auquel il rend visite chaque jour à l’hôpital. Lorsque, fraîchement débarqué dans ce lycée dortoir où ses vacations lui évitent toute implication, Henry Barthes, brillamment incarné par Adrien Brody, se retrouve malgré lui emporté dans un tourbillon d’émotions, au fil de ses rencontres avec professeurs et élèves, mais surtout avec Erica, une adolescente qu’il recueille chez lui.

Plus il cherche à garder le contrôle, plus le héros se trouve happé par les autres, qui se mettent à l’aimer et auxquels il s’attache en retour. Dans la relation avec les autres, l’homme distant se découvre, tendre et capable d’une infinie douceur. C’est sans doute d’ailleurs cette sensibilité chuchotante, ce charme du désespoir et du manque qui attire à lui les autres comme des aimants. Henry respire la solitude et par cela même, comprend celle de ceux qu’il croise, de ceux qui ne veulent plus le laisser partir alors qu’il leur devient si nécessaire. 

Découvrez la bande-annonce du film Detachment : 

Une fresque sur le mal de vivre

La rencontre du héros avec la très jeune Erica est emblématique. Lorsqu’il croise l’adolescente, qui se prostitue et qui vit dehors, il commence par la fuir. Ils deviendront finalement complices et la gamine aura raison de lui. Son détachement se trouve entamé par l’amour qu’elle porte à Henry, à qui elle finira par dire qu’il est sa seule famille et qu’elle l’aime parce qu’il est gentil. Avec cette petite qu’il a tirée de la rue, se dessine une relation pleine de tendresse sans qu’il parvienne finalement à lui opposer la moindre résistance affective, en dépit de tous ses efforts.

Au microscope, Tony Kaye sonde l’intimité du cœur de ses personnages lorsqu’ils pleurent, se mettent en colère, chuchotent, aiment, haïssent. Sa caméra filme le silence, le vide, l’absence avec le tact requis par le récit de ces individualités déchirées. Il obtient un tableau d’émotions à la fois doux et terrible à l’image de ces vies heurtées. Un film porté par des personnages attachants dans ce qu’ils ont de plus humain, de plus fragile et de pleinement vivant. Je cherche à saisir des émotions réelles, répète Tony Kaye lorsqu’on le questionne sur le « style » de son film, car les images sont belles et travaillées. Pourtant, Kaye s’en défend presque, insistant sur l’authenticité de son regard : j’essaye seulement de faire en sorte que les choses aient l’air vraies

Découvrez tout de suite un extrait du film : 

Adrien Brody, remarquable 

Dans l’univers violent du monde extérieur, il est la seule bulle de douceur. Adrien Brody, après sa vibrante interprétation du personnage d’un survivant de l’Holocauste dans Le pianiste, de Roman Polanski, se fond cette fois avec une grande finesse dans le personnage d’Henry, alternant entre des scènes de douceur désespérée, et des accès de rage avant de reprendre la maîtrise de lui-même.

Son jeu, d’une subtilité parfaite, culmine dans sa relation avec la jeune Erica ou encore avec Meredith (on découvre au passage la fille du réalisateur dans le rôle de cette élève fragile). Avec les adultes, la relation du personnage est moins évidente, moins profonde, faite d’incompréhensions mutuelles, et c’est finalement lorsqu’il décide « d’adopter » la petite Erica qu’il se réconcilie avec lui-même et s’habite enfin. 

Detachment, de Tony Kaye, en salles le 1er février.