6 avril 2009, 3h32 du matin. La terre tremble dans la région des Abruzzes, au centre de l’Italie, dévastant la ville de L’Aquila. Le président du Conseil Silvio Berlusconi se rend rapidement sur place et promet une reconstruction rapide de la ville. C’est cette promesse non tenue qui est au cœur du film Draquila - L'Italie qui tremble, réalisé par Sabina Guzzanti.
A la manière d'un Michael Moore transalpin, elle s'est rendue sur place pour enquêter quelques mois après le tremblement de terre qui avait fait 309 morts. Sabina Guzzanti découvre alors que le relogement et la reconstruction ont été intégralement confiés à un organisme parallèle aux institutions publiques : la Protection civile.
C’est ainsi que l’Etat a confié des fonds à des hommes proches du pouvoir, sans en contrôler l'usage. Résultat : une reconstruction qui patine et l’ombre insistante de la mafia qui aurait détourné une partie de l’argent. Plus d’un an et demi après le tremblement de terre, “la moitié de la population n'a plus de toit, il n'y a plus ni magasins ni entreprises“, dénonce-t-elle.
“La présumée efficacité berlusconienne“
Maniant aussi bien l’humour que la dénonciation, Sabina Guzzanti a choisi de télescoper les belles images d’un Silvio Berlusconi inaugurant une première maison reconstruite avec une autre réalité : celle d’une ville en ruine qui a le sentiment d’avoir été flouée.
Devenu le symbole de l’incurie de l’Etat, le film passionne les Italiens. “Les réactions sont assez favorables dans le sens où la présumée efficacité berlusconienne dans la reconstruction s’est révélée être un gros mensonge. Beaucoup d’Italiens le soupçonnaient, là on voit que la situation n’est pas celle décrite par le gouvernement“, analyse Alberto Toscano, correspondant pour le journal Panoramaet auteur de l’ouvrage Vive l’Italie, quand les Français se passionnaient pour l’unité italienne.
“Le film porte sur le fait que L’Aquila a été utilisé comme un élément de propagande. D’ailleurs la population de L’Aquila a failli se révolter, c’est une question très sensible“, renchérit Piero Pisarra, lui aussi journaliste italien en poste à Paris.
Un film dans la tradition du comique italien
Le documentaire mélange satire politique et documentaire, dans la plus pure tradition italienne. “En France, les émissions satiriques sérieuses n’existent quasiment pas ou beaucoup moins qu’en Italie. On a un cinéma critique de dénonciation de la classe politique et de l’Etat, alors qu’en France l’intellectuel a une sorte de respect républicain pour le pouvoir“, analyse Alberto Toscano.
Draquila - L'Italie qui tremble ressemble “un petit peu à l’esprit du Petit journal, mais plus engagé politiquement“, confirme Piero Pisarra. Avec Sabina Guzzanti à la baguette, le film est en effet un exemple du genre.
Icône polémique de l’irrévérence
Longtemps imitatrice star de la télévision italienne, Sabina Guzzanti a depuis délaissé le petit écran. Avec ce film à charge, elle continue de dénoncer l’incapacité de la classe politique italienne, suscitant autant d’enthousiasme que d’agacement.
Et elle sait de quoi elle parle : son père, l’une des grandes plumes du journalisme transalpin, a participé à la création du quotidien La Repubblica. Puis il est entré en politique et a rejoint la coalition de Silvio Berlusconi, avant de la quitter l’an dernier, totalement désenchanté.