Autant à Montréal qu’à Avignon, la présence annoncée de Bertrand Cantat dans des événements culturels fait grincer nombre de dents. Le chanteur de feu Noir Désir, condamné en 2003 à huit ans de prison pour le meurtre de sa compagne Marie Trintignant, doit se produire en juillet prochain au célèbre festival de théâtre dans la cité des papes, puis en mai 2012 dans la cité québécoise, au Théâtre national de Montréal (TNM), à chaque fois dans des spectacles signés de son ami metteur en scène Wajdi Mouawad.
Jeudi, Jean-Louis Trintignant, a annoncé qu’il annulait purement et simplement sa participation au festival d’Avignon, en raison de la présence du meurtrier de sa fille. "Refusant d'être programmé dans une manifestation où se produit également l'homme qui a tué sa fille, le comédien Jean-Louis Trintignant, qui devait jouer lors du prochain Festival d'Avignon le spectacle ‘Trois Poètes Libertaires du XXe Siècle’, a décidé d'annuler la représentation", précise dans un court communiqué son agent Olivier Gluzman.
"Oui à Cantat"
Et au Canada, la polémique fait rage, entre les tenants de l’interdiction de territoire et les partisans de la réhabilitation et du pardon. Christine Pelchat, la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), ainsi estimé dans le quotidien Le Devoir que la présence de Bertrand Cantat "banaliserait la violence faite aux femmes". Un autre journal, anglophone, le National Post affichait sur sa Une un bandeau sans équivoque : "Le Théâtre de Montréal soutient l’embauche d’un tueur". "Oui à Cantat", répond Le Soleil dans un éditorial. "La meute médiatique étant partie à la chasse à l'homme, il y a peu de chances que Cantat aboutisse un jour sur la scène du TNM", regrette pour sa part une chroniqueuse de La Presse.
Car la polémique est telle que le chanteur pourrait ne pas pouvoir pénétrer le territoire. Au terme de la loi canadienne, Bertrand Cantat ne peut pas se rendre sur le territoire car il a commis un crime passible de la prison à vie au Canada. Il lui est toutefois possible de demander un permis de séjour temporaire au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, mais en principe une telle demande ne peut être présentée qu'entre cinq et dix ans après qu'une peine a été purgée. Dans ses conditions, seul le ministre fédéral de l’Immigration peut lui délivrer un permis de séjour temporaire, explique Le Devoir.
Dans le débat électoral
La décision de laisser entrer Bertrand Cantat sera donc tranchée au niveau politique. Le cas du chanteur s’est d’ailleurs invité dans le débat public, alors que la campagne des élections générales du 2 mai prochain a commencé. Les conservateurs, s’ils conservent le pouvoir, ont déjà prévenu qu’ils ne laisseraient pas le chanteur entrer au Canada. "Si on est reportés au pouvoir, on va s'assurer que M. Cantat ne puisse pas bénéficier d'aucune exception", a asséné Josée Verner, la ministre fédérale responsable de la région de Québec. En revanche, l’opposition a indiqué qu’elle croyait à la "justice réhabilitatrice", et ne s’opposerait donc pas à la venue de l’ex-chanteur de Noir Désir.
Ironie de l’histoire, Bertrand Cantat s’est récemment rendu en toute tranquillité au Québec, les citoyens français n’ayant pas besoin de visa pour se rendre au Canada. Les douaniers seront sans doute désormais plus vigilants.