Il est passé à côté du Goncourt en 1998 avec Les particules élémentaires et puis en 2005 avec La possibilité d'une île. 2010 pourrait bien être l’année Houellebecq avec le cru La carte et le territoire. A moins que ce ne soit encore un rendez-vous manqué. Fin du suspense lundi à 13 heures.
En attendant, quatre observateurs du monde littéraire jouent aux pronostiqueurs.
>> Oui, il doit l’avoir
Abeline Majorel, du site Chroniquesdelarentréelittéraire.com. Coordonne le Grand Prix Littéraire du Web qui sera également décerné lundi.
Abeline Majorel a lu 90 livres pour cette rentrée littéraire. Et son constat, au micro d’Europe1.fr, est sans appel : Ce La carte et le territoire est "largement au-dessus des autres". Pour elle, Houellebecq est "l’écrivain le plus classiquement moderne" dans son style, dans les idées qu’il défend. Il "ressemble à l’air du temps, il est inquiet, peureux, conservateur et en même temps il défend certains idées humanistes", argumente-t-elle. "Si dans soixante ans, on veut savoir comment c’était en 2010, on pourra lire Houellebecq", assure-t-elle.
Et pourtant, elle reconnaît ne pas l’avoir toujours "pronostiqué vainqueur au cours des dernières années". Mais Houellebecq "l’écorché" semble s’être un peu "radouci", "il est parfaitement lisible par n’importe qui, c’est là la grâce de Houellebecq". Et puis cette observatrice ne se voile pas la face : un Goncourt, c’est aussi le fruit de choix très "politique", et pour elle "Flammarion mérite ce prix à un moment ou à un autre".
Jean-Marc Parisis, écrivain et journaliste au Figaro. Auteur de Les Aimantssortis en 2009 chez Stock.
"Il serait tout à fait mériter que Michel Houellebecq ait le Goncourt pour ce livre-là et pour l’ensemble de son œuvre", assure Jean-Marc Parisis, joint par Europe1.fr. Il ne tarit pas d’éloges sur l’écrivain : Houellebecq "est l’un des auteurs français les plus novateurs et les plus passionnants depuis 30 ans". Et il encense La carte et le territoire, un roman d’une "profondeur crépusculaire et d’une atroce drôlerie". Et à ceux qui critiquent l’homme Michel Houellebecq, Jean-Marc Parisis rétorque : "je ne m’intéresse pas au personnage, je ne considère que ce qu’il écrit".
>> Non, il ne doit pas l’avoir
Pierre Maury, critique littéraire au Soir. Le quotidien belge de référence a écarté Michel Houellebecq de sa propre "sélection" avant les prix officiels.
Le thème choisi par Michel Houellebecq est "sans doute intéressant", mais pour Pierre Maury, interrogé par Europe1.fr, le compte n’y est pas. "Sur le plan littéraire, il y a quelque chose de pesant, il n’y a pas d’innovation. C’est comme s’il suffisait d’entreprendre une démarche d’écriture sur notre monde, et après on pourrait écrire n’importe quoi. Il n’est pas classique, il est quelconque", assène-t-il. Et "ça n’a rien à voir avec le personnage Houellebecq", tient à préciser Pierre Maury. "Il peut être énervant c’est vrai, mais ce sont ces livres qui m’énervent", ajoute-t-il. "Il se dit beaucoup qu’il est temps qu’il ait le Goncourt, mais s’il l’a, je ne suis pas sûr que ce soit pour de bonnes raisons", conclut le critique littéraire.
Marie-Rose Guarniéri, libraire à la Librairie des Abbesses à Paris. A constaté qu’un client sur quatre entre et achète La carte et le territoire.
"On veut de l’inattendu pour un Goncourt, et Houellebecq est sur-attendu", se désespère Marie-Rose Guarniéri. Pour cette libraire, interrogée par Europe1.fr, "Michel Houellebecq, c’est un bon auteur, c’est intéressant, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais il n’est pas le seul ! En plus, il ne nous a pas surpris dans La carte et le territoire. Il a fait ce qu’il sait faire, et en moins bien. C’est très sage".
"Le Goncourt a été créé pour découvrir de nouveaux auteurs, pour faire des choix audacieux. Et depuis des années, il est sans surprise, c’est une comédie qui se répète. Et c’est vraiment dommageable pour tous les écrivains. On voudrait un effet de surprise, que le jury ait le courage de récompenser un autre auteur. Ce serait un beau défi. Cela donnerait une chance à un livre de plus sur les 700 de la rentrée littéraire d’exister", espère encore Marie-Rose Guarniéri.