C’est un salut à trois doigts, le pouce et le petit doigt repliés dans la paume de la main, tout droit sorti de la trilogie Hunger Games. Dans le film, adapté du roman éponyme de Suzanne Collins, des rebelles, conduits par Katniss (Jennifer Lawrence) s’opposent aux oligarques du Capitole dans une société totalitaire. En Thaïlande, où les deux premiers épisodes de la saga ont très bien marché, les opposants ont donc adopté ce geste comme symbole de la résistance pacifique au coup d'Etat militaire du 22 mai. Alors que le troisième volet de la saga est sorti cette semaine sur les écrans thaïlandais, l'agitation monte dans le pays, où la junte au pouvoir restreint les libertés.
Alors que tout rassemblement ou toute manifestation sont interdits dans le royaume, la sortie d'Hunger Games 3 ravive les tensions. Jeudi à Bangkok, trois étudiants ont été interpellés, dont une jeune femme qui faisait le geste rebelle. La veille, cinq autres étudiants avaient aussi été arrêtés, cette fois dans le nord-est du pays, après avoir, eux aussi, fait le salut des rebelles de Hunger Games face au chef de la junte. "Je ne suis pas inquiet face aux manifestations au salut à trois doigts", assure pourtant le Premier Ministre Prayut Chan-O-Cha.
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Relâchés, mais menacés. Pour l'heure, les étudiants ont tous été relâchés sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux, a affirmé la police. Mais le chef de la junte a mis les jeunes gens en garde, à demi-mot : "Je ne sais pas si (le fait de faire ce geste) est illégal ou pas. Auquel cas, cela pourrait compromettre leur avenir", a-t-il affirmé, laissant entendre que les carrières des étudiants pourraient être compromises par un fichier judiciaire. "Je ne veux pas les punir, alors ils ont été à peine réprimandés, avant d'être relâchés", a ajouté le général Prayut. "C'est un film, pas la réalité", a-t-il tranché. Mais devant l'agitation, l’un des grands exploitants de salles du pays a déjà annoncé qu’il allait finalement renoncer à projeter le film programmé. Le groupe Apex a en effet expliqué qu’il avait peur de voir "ses cinémas utilisés par des mouvements politiques".
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"Chasse aux sorcières". Du côté de l'ONU, des voix s'élèvent pour dénoncer ces interpellations de contestataires. Quant à la Fédération internationale des droits de l'Homme (la FIDH), elle s'est inquiétée vendredi d'une "chasse aux sorcières" lancée en Thaïlande, "sous prétexte de protéger la monarchie". Le pays utilise en effet une loi de lèse-majesté, qui punit le crime de 15 ans de prison.
Selon les chiffres de la FIDH, 15 des 20 personnes ont été interpellées depuis le coup d'Etat du 22 mai, pour crime de lèse-majesté.