Intouchables et La grande vadrouille, même combat ?

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Les deux films partagent des point communs qui ont séduit les spectateurs d’hier et d’aujourd’hui.

Dimanche, Intouchables a officiellement dépassé La grande vadrouille en nombre de spectateurs (17,3 millions contre 17,2). La comédie d’Eric Toledano et Olivier Nakache relègue ainsi le classique de Gérard Oury, sorti en 1966, à la troisième place des plus grands succès d’un film français dans l’Hexagone. Europe1.fr passe en revue les points communs de deux œuvres qui, si elles ont 45 ans d’écart, présentent des similitudes à l’origine de leur colossal succès.

Un duo comique qui fonctionne. C’est une recette qui a fait ses preuves au cinéma. "On a à chaque fois un couple d’hommes, que tout oppose, qui vont se rencontrer à un moment et se séparer à la fin. C’est un duo classique du cinéma", analyse pour Europe1.fr Emmanuel papillon, co-directeur du département Distribution-Exploitation à la Femis. Encore faut-il que la mayonnaise prenne.

En 1966, le duo de Funès-Bourvil était bien rôdé avec la sortie un an auparavant du Corniaud, signé là encore Gérard Oury, et qui attira près de 12 millions de spectateurs. Dans La grande vadrouille, Bourvil est un peintre en bâtiment, alors que Louis de Funès incarne un chef d’orchestre renommé. "Rappelez-vous que nous ne sommes pas du même monde", lance ainsi de Funès à son acolyte, juste avant que ce dernier ne le juche sur ses épaules, pour ce qui restera sans doute comme la scène la plus culte du film.

Pour Intouchables, le pari était plus risqué. François Cluzet, qui incarne un millionnaire tétraplégique, et Omar Sy, en jeune des banlieues, n’avaient ainsi jamais joué ensemble. Le premier était un acteur reconnu sans être une star, alors que le deuxième ne comptait à sa filmographie que des seconds rôles, et était plus connu pour son SAV des émissions sur Canal Plus. La réussite du duo n’en est que plus remarquable.
 
 "Dans les deux cas, les personnages sont très bien ciblés", reprend Emmanuel Papillon. "La donne semble assez simple, mais c’est une fausse simplicité. Ce sont des personnages très travaillés", conclut l’expert.

Des sujets graves... La guerre et l’occupation d’un côté, le handicap et la banlieue de l’autre. D’ordinaire, ces sujets ne prêtent pas à rire, ni même à sourire. La grande force des deux comédies est d’avoir su dépasser le drame pour parvenir au rire. Pour La grande vadrouille, "on sent qu’on a passé une période difficile, à laquelle on s’attaquait alors très peu ou de façon très grave", estime Emmanuel Papillon. Le film de Gérard Oury a donc été accueilli comme une bouffée d’oxygène à l’époque.

 Intouchables aborde évidemment un sujet plus proche du public, le problème des banlieues restant tristement d’actualité.  "C’est quelque chose qui taraude les réalisateurs, les créateurs, notamment ce langage banlieue qui donnent l’impression que les Français ne parlent plus la même langue. Et ça, c’est un ressort pour en faire une comédie. C’est un sujet grave, mais c’est quelque chose dont on peut aussi rire", affirme l’expert és cinéma. "Attention, ça peut être aussi très casse-gueule." Un écueil qu’ont su éviter les deux réalisateurs d’Intouchables.

… dans l’air du temps. Trois ou quatre ans plus tard, La grande vadrouille n’aurait peut-être pas connu le même succès public. En 1966, un peu plus de 20 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, le mythe d’une France presque entièrement résistante est encore tenace dans une population soucieuse d’oublier les douloureuses années noires.  En 1969, la sortie du Chagrin et La Pitié, notamment, mettra à mal ce mythe. Et la légèreté fera moins recette.

Pour Intouchables, le succès s’explique aussi par la volonté des spectateurs d’échapper au marasme ambiant. "Les périodes de crise en France ont toujours été favorables à la fréquentation des salles de cinéma", assure Emmanuel Papillon. "Le cinéma est un art populaire, peu cher, et les gens veulent se distraire et sortir d’un quotidien qui est difficile. C’est humain."

Des bons films. Mais la principale raison du succès des deux comédies, ce sont d’abord que ce sont des bons films. "Gérard Oury était un très bon faiseur de films, contrairement à l’image qu’on a d’un réalisateur un peu lourdingue", rappelle Emmanuel Papillon. "Ses films tiennent largement le coup, surtout quand on compare à la production moyenne française de l’époque. Quant on voit qu’à la dernière diffusion télé, La grande vadrouille a réalisé 35% de parts de marché, il n’y a pas de hasard."
 
 Quant à Eric Toledano et Olivier Nakache, "ce sont des gens qui ont énormément travaillé leur scénario, leur réalisation. On n’est pas dans un cinéma fait rapidement", estime  le membre de la Femis. "Intouchables est un film très bien produit. Là encore, c’est tout simplement un très bon film."