Joann Sfar avait collaboré à Charlie Hebdo pendant deux ans dans les années 90. Après l'attentat qui a touché la rédaction du journal satirique, le dessinateur et père du Chat du Rabbin s'est très peu exprimé dans la presse. Il a surtout dit sa tristesse, comme à son habitude, à travers d'innombrables dessins postés sur son compte Instagram. Il a même ressorti le 'chat' pour se redonner du courage. Il est samedi matin l'invité de David Abiker dans 'C'est arrivé cette semaine'.
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"Charlie c'était vraiment provoc'". Joann Sfar, primé en 2004 à Angoulême, est revenu sur le grand prix spécial d'Angoulême remis à Charlie Hebdo. "C'est une manière de se réapproprier cette famille de dessinateurs, dont on était proches et qui était beaucoup plus vache, beaucoup moins consensuelle que ce qu'ont pu dire les manifestations récentes. Charlie c'était vraiment provoc' et c'était une provocation dans laquelle beaucoup de dessinateurs se retrouvent", a-t-il expliqué.
"Il y a une nécessité d'écrire." Après la tuerie perpétrée dans les locaux du journal satirique, et dans l'Hyper Casher, Joann Sfar a publié un dessin où l'on voit son fameux chat, tremblant de colère, qui explique que "si Dieu existe, il ne tue pas pour un dessin". Pour le dessinateur, il y a à présent "une nécessité d'écrire qui est forcément un peu faussée, un peu tordue. On a envie de parler à son pays, on a envie de créer des histoires", assure-t-il. "Je ne me sens pas plus malin que mes lecteurs, mais on a envie de parler ensemble, on a envie de se raconter ce que ce pays va devenir." Surtout, Joann Sfar "ne veut pas s'en tenir à un constat" pessimiste. "Moi je rêve d'un futur un peu plus rieur et je suis sûr que les enfants de demain vont nous surprendre en bien."
Si Dieu existe, il ne tue pas pour un dessin. A photo posted by Joann Sfar (@joannsfar) on
Coup de gueule. Le Chat du Rabin se joue en ce moment au Théâtre des Mathurins à Paris. Dans cette bande dessinée signée Joann Sfar, l'animal met une distance entre la religion du Rabbin et sa vérité. Est-ce que l'Imam a aussi besoin de prendre de la distance aujourd'hui ? "Il me semble qu'on a besoin d'entendre les voix progressistes musulmanes", répond Joann Sfar. "Elles existent depuis toujours, mais peut-être qu'on les a fait taire à cause des dictatures arabes", regrette le dessinateur. "Or il y a beaucoup d'intellectuels et de penseurs musulmans, aujourd'hui, qui disent : 'Mais la réforme de l'Islam, elle est là, c'est juste qu'on ne nous écoute pas !' Elle n'a pas besoin de venir d'autres religions. Au sein même de l'Islam, il y a des gens qui savent que cette religion peut se séculariser, est compatible avec le monde moderne, n'est pas ni anti-juive, ni anti-chrétienne." Joann Sfar appelle à mettre ces voix là en avant, sans oublier de tacler un intellectuel au passage : "Si on invitait plus de vrais intellectuels musulmans à la place de Tariq Ramadan, ça ferait du bien à tout le monde."
Joann Sfar va intégrer l'équipe du Huffington Post. "Moi je veux juste susciter le plus de dialogues avec les gens", confie Joann Sfar, avant d'ajouter : "Sans espoir, ça ne m'intéresse pas de me lever le matin". Joann Sfar, dessinateur connecté, va d'ailleurs proposer, à partir de la semaine prochaine, une chronique sur le site du Huffington Post, a-t-il révélé à Europe 1. Un texte et un dessin pour une chronique qui va s'appeler "Si Dieu existe". Le dessinateur espère ainsi pouvoir "écrire, dessiner et dialoguer".
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Europe 1 Livepar Europe1fr