Mai 2008. Les médias généralistes se font l’écho d’un clip musical accusé d’être une ode à la violence gratuite. L’objet du scandale : Stress, troisième single du groupe Justice, dont le clip, non diffusé en télévision, profite de l’effet viral sur Internet pour créer le buzz et fait connaître le duo de musiciens au grand public.
Xavier de Rosnay et Gaspard Augé sont depuis devenus l’une des valeurs sûres de la French Touch 2.0. Avec la sortie de leur deuxième album, Audio, Video, Disco, on s’attendait donc à un nouveau scandale. Mais non, Justice revient sans susciter de polémique mais avec un art de la communication toujours aussi affuté.
Un single sous les couleurs d’Adidas
A mi-chemin entre l’électro lourde et le rock de chambre, Audio, Video, Disco marque le virage de Justice vers un son plus pop. Cela, les fans ont pu le constater bien avant la sortie de l’album le 24 octobre dernier. Dès le mois de mars, le morceau Civilization était diffusé, non pas en pré-écoute sur leur site Internet, mais en bande-son de la publicité d’Adidas réalisée par Romain Gavras.
"C'était parfait", se félicite Xavier de Rosnay, rencontré par Europe1.fr. "Cela nous permettait de rentrer chez les gens sans avoir besoin de dire 'eh, c'est nous, regardez, on sort un nouveau morceau". Gaspard Augé, son comparse, renchérit : "pour nous, qui ne sommes pas diffusés en radio ni à la télé, c’est le seul moyen pour que notre musique soit écoutée par des gens qui ne l’ont pas choisi".
Des premiers pas dans la pub
En fait, Justice n’en est pas à son coup d’essai. C’est même la publicité qui a permis au groupe de se faire un nom dans le milieu en 2007. "Son label avait envoyé leur premier album à des boîtes de marketing au Royaume-Uni et a attendu de trouver un partenariat. C’est seulement lorsqu’une société de téléphonie a repris un morceau dans une pub que la maison de disque a réellement lancé l’album", témoigne Christian Bernard-Cedervall, journaliste chez Trax qui les suit depuis un certain temps.
Depuis, le groupe d’électro et la publicité ne se sont jamais quittés des yeux. Le morceau Water of Nazareth a été utilisé dans une publicité Peugeot en 2006, tandis que la campagne publicitaire de Numericable reprenait en 2007 le morceau DaNCE pour vanter ses services Internet en 2007. Suivent ensuite les spots publicitaires de Levi’s en 2008 et du jeu vidéo Assassin Creed 2 en 2009 avec le tube Genesis pour bande-son.
Un label malin pour faire buzzer
Justice ne jure-t-il que par la pub ? Si la marque correspond avec l’image du groupe, Xavier de Rosnay et Gaspard Augé ne disent pas non. Mais l’initiateur de cette stratégie, c’est Pedro Winter, fondateur de leur label, Ed Bangers, et grand gourou de la hype parisienne.
Un temps manager de Daft Punk, ce dernier a un sens inné des tendances et des affaires : les sac Eastpak estampillé Ed Bangers, les chaussures Ednies "Cool Cats"c’est lui. Symbole de branchitude, il a même réalisé le design d’un modèle de Nike Air Force 1 à son nom.
Alors Justice et "le fantasme de conciliabules avec la maison de disque Because pour élaborer une stratégie de communication, je n’y crois pas", balaie le journaliste de Trax, qui estime "qu’en terme de communication, la seule chose qui les intéresse, c’est faire la pochette de leur disque".
La stratégie adoptée avec la vidéo Stress, clairement concocté pour buzzer sur l’Internet, a vite érigé Justice en pro de la communication 2.0. "Le groupe a contacté Romain Gavras (réalisateur du clip) avec un but clairement marketing", estime Christian Bernard-Cedervall.
Mais un service minimum sur le web
Si la stratégie marketing pour le premier album était millimétrée, leur présence sur le Web est devenue plus discrète. Après des débuts en ligne sensationnels via le clip Stress, le duo a opté pour une communication plus classique. Justice n’a d'ailleurs même pas de site Internet dédié, ce qui n'a pas empêché leur dernier clip d'être visionné plus de 450.000 fois en un mois et demi sur Dailymotion.
Et là où un David Guetta approche les 2,5 millions d’abonnés sur Twitter et un Kavinsky ou Mr.Oizo communiquent quasi-quotidiennement, Justice brille par son absence sur le site de micro-blogging. Lorsqu'on veut garder sa part de mystère, on évite de détailler par le menu leur petit déjeuner. "Nous, nos vraies vies, on les adore mais de manière complètement personnelle", lâche ironiquement.
Côté Facebook, le réseau social a certes été investi (1,1 million de fans), mais là encore, c’est le service minimum : douze messages très formels postés en six mois, c’est-à-dire par grand-chose en pleine promo de leur nouvel album.
"Cela ne nous intéresse pas"
"On n'est pas très actifs sur Internet", confirme Xavier de Rosnay, avant de poursuivre : "on a une page Facebook ultra-factuelle mais qu'on n’utilise pas vraiment comme un espace de forum, tout simplement parce que cela ne nous intéresse pas".
Et la moitié de Justice de poursuivre : "il y a quatre ans, on aurait mis notre nouveau morceau sur Internet en se disant que cela pouvait servir de baromètre. Maintenant, si on met un morceau, la moitié des gens va trouver cela génial mais l'autre moitié va penser qu'on doit mourir dans d'atroces souffrances pour que la Terre aille mieux". Le public du petit écran a, lui, le mérite d’être moins vindicatif.