La seconde vie des chanteurs morts

Michael Jackson a vendu plus de disques que Lady Gaga en 2009.
Michael Jackson a vendu plus de disques que Lady Gaga en 2009. © MAXPPP
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Plana Radenovic , modifié à
Ils sont décédés mais vendent des millions de disques. Europe1.fr décrypte ce phénomène.

Au top des ventes de singles cette semaine, Over the Rainbow, du chanteur hawaïen Iz, décédé en 1996. Une bonne surprise pour Mercury, label de la maison de disques Universal, qui a acheté les droits de l'artiste fin 2010. Cependant le chef du label Olivier Nusse tient à le préciser, "ce n'est pas une stratégie". Il ajoute tout de même qu'il est "essentiel pour notre activité et pour le patrimoine musical de faire vivre les œuvres des artistes même après leur disparition". Une seconde vie qui s'avère souvent très rentable.

Michael Jackson, Elvis Presley, John Lennon. Ces chanteurs figurent dans le top 10 des personnalités les plus rentables après leur mort, élaboré par le magazine Forbes. En 2009, le Roi de la pop a même vendu plus de disques que quatre chanteurs à succès réunis : Lady Gaga, Jay-Z, Beyonce et Madonna.

"Il n’y a plus que les morts qui vendent des disques, c’est navrant", déplore Philippe Marie, directeur de Gibert musique. Au moment du décès de Michael Jackson, le disquaire a vendu "30 à 40 fois plus" de CD du chanteur. Même chose, mais dans de moindres proportions, pour Captain Beefheart, mort en décembre dernier : les ventes de Gibert musique ont été multipliées par dix, alors que l’artiste est plus confidentiel.

Pour Bertrand Dicale, spécialiste de la chanson, le phénomène des chanteurs à succès post-mortem "a toujours existé". Toujours, ou plus exactement depuis 1935, précise-t-il. Cette année-là, le chanteur de tango Carlos Gardel meurt dans un accident d’avion en juin. En août, sort sa chanson Volver, qui devient très vite "le disque de tango le plus vendu au monde".

Afin d’engranger des millions outre-tombe, mieux vaut mourir jeune, et de préférence brutalement, pour "créer un effet de légende", décrypte Bertrand Dicale. "Les chanteurs morts ne se ringardisent pas, ils gardent l’âge qu’ils avaient à leur décès", ajoute-t-il.

Exemple avec Eva Cassidy, qui avait vendu quelque 300 disques de son vivant, et plus de 400 millions à titre posthume. Cette chanteuse de bar de Washington a succombé à un cancer en 1996. Elle avait une trentaine d’années. A la fin des années 90, le dernier enregistrement de sa voix, une reprise de What a wonderful world, connaît un énorme succès, surtout sur les radio anglo-saxonnes.

Les chanteurs francophones ne sont pas en reste. Jacques Brel, mort en 1978, a vendu plus de disques depuis sa mort que de son vivant. Le phénomène est flagrant pour Bobby Lapointe, dont la carrière a été un échec… jusqu’au milieu des années 1980. Il est décédé en 1972.

Outre la légende, Bertrand Dicale évoque ce qu’il appelle "le théorème de Claude François" : "juste après la mort d’un artiste, tout le monde dit qu’il était génial, donc ça vend. Puis il y a systématiquement une période de désamour commercial, 7 ans dans le cas de Claude François, et un retour".

Retour souvent orchestré par les maisons de disques, à grands coups de coffrets-anniversaires. Le coffret Gainsbourg, sorti par Universal au début des années 2000, se vend à "près de 30.000 exemplaires", selon notre spécialiste de la chanson. "Un artiste qui fait gagner des millions sans aucune promo, c’est du bénéfice pour les maisons de disques", explique-t-il.

Au-delà de la stratégie commerciale, le disquaire Philippe Marie, décèle une tendance de fond : "pour la première fois, les jeunes qui écoutent du rock écoutent les mêmes groupes que leurs parents". Les chanteurs morts n’en ont pas fini d’avoir la cote.