Les jardiniers du Château de Versailles, désespérés par les dégâts de la tempête de 1999, ont réussi à redessiner les parcs et jardins comme au temps de Louis XIV. Mais les 100.000 arbres replantés ne retrouveront leur grandeur qu'après des décennies.
"Il faudra quarante ans pour que le parc retrouve sa beauté et cent ans pour qu'il retrouve son âme", déclare Alain Baraton, jardinier-en-chef du domaine de Versailles. Les jeunes chênes, ormes et frênes replantés dans le parc du Grand Trianon, l'une des zones les plus touchées par la tempête, sont encore frêles. "Pour moi aujourd'hui, dit-il, ce parc n'est pas beau mais il est prometteur".
Les allées rectilignes du parc ne portent plus de traces visibles de la tempête. L'un des seuls vestiges est l'immense souche couchée du chêne de Marie-Antoinette, le doyen des arbres de Versailles mort en 2003 des suites de la tempête et de la canicule, exposée devant le Petit Trianon comme un "hommage".
La tempête qui a traversé la France le 26 décembre 1999 a détruit 18.500 arbres du domaine de Versailles et 40.000 autres ont été des "victimes collatérales", abattus lors des replantations pour éviter notamment des décalages d'âge entre des arbres voisins. Une quinzaine d'arbres historiques ont résisté, comme un Sophora du Japon trônant majestueusement près du petit Trianon, qui a pu profiter des murs protecteurs du bâtiment contre les vents violents.
Le matin de ce 26 décembre reste gravé dans l'esprit des jardiniers. "Les arbres tombaient silencieusement, c'était fantomatique, une vision cauchemardesque", se souvient Alain Baraton, qui a eu "l'impression que trente ans de (sa) vie étaient réduits à néant, ainsi que le travail de (ses) prédécesseurs". "Nous étions tous tristes de voir des arbres partout, entrelacés les uns avec les autres", se remémore Joël Cottin, autre jardinier-en-chef, qui reste marqué par les messages de soutien reçus de la part du public.
Pour replanter le domaine, en plus du soutien financier de l'Etat et des collectivités locales, une campagne de mécénat baptisée "10.000 arbres pour Versailles" a été organisée. Le prix du parrainage d'un arbre fut fixé à 1.000 francs (environ 150 euros). Jean-Jacques Aillagon, le président du domaine national de Versailles, estime à 250 millions de francs (38.112.254 euros) le coût total des travaux qui ont suivi la tempête.
Les responsables du domaine voient aussi "un aspect salutaire" dans cette tempête, qui a permis d'éliminer des arbres vétustes. "Nous avons aujourd'hui un domaine dans un état sanitaire satisfaisant, qui pourra traverser le XXIe siècle dans de très bonnes conditions", souligne Jean-Jacques Aillagon.
Lors des replantations, les jardiniers se sont ainsi basés sur les plans d'André Le Nôtre, le jardinier de Louis XIV chargé en 1661 de l'aménagement des jardins de Versailles, pour recréer le parc du grand Trianon. Ils ont également reconstitué le jardin anglais du petit Trianon dessiné par le jardinier Antoine Richard et l'architecte Richard Mique. "C'est une chance inouïe de retrouver le parc comme l'avait vu Louis XIV", s'enthousiasme Alain Baraton.