A l'heure du numérique, la visite d'une exposition ne ressemble plus tout à fait à ce qu'elle était. Entre ceux qui parcourent les allées à toute allure en jouant les paparazzis, ceux qui se prennent en photo devant les œuvres ou ceux qui regardent tout à travers les applications de leur iPad, le visiteur non photographe fait presque figure d'exception. Le ministère de la Culture a donc établi, en juillet dernier, une charte pour encadrer la pratique de la photo au musée. L'idée ? Pousser les établissements à autoriser les photos, encourager les visiteurs à prendre des clichés et à les partager, mais aussi fixer "les principales règles du savoir visiter et du partage de la culture à l'heure du numérique". Europe 1 fait le point avec Jean-Michel Raingeard, le président de la Fédération française des sociétés d'amis des musées, qui réunit 300 associations.
Pourquoi cette charte ? "On a découvert en 2012 qu'il y avait de nombreux musées qui interdisaient la photo, comme le musée d'Orsay, qui continue de le faire aujourd'hui", déplore Jean-Michel Raingeard. Pour le président de la Fédération française des sociétés d'amis des musées, la question de l'encadrement de la pratique de la photo dans les musées se posait donc et dépassait même les frontières nationales, puisque l'Italie s'est aussi penchée sur le problème. Après de nombreuses réunions, on a proposé au ministère, ce texte qui est un guide de conduite du photographe dans le musée. On parle de la photographie à usage privé." Résultat ? Cette charte, intitulée "Tous photographes!". Elle recommande notamment de désactiver son flash dès qu'on entre, d'éviter de prendre en photo des membres du personnel des musées sans leur autorisation "formelle" ou encore d'éviter au maximum de gêner les autres en cachant des œuvres derrière une marée de portables dressés. Parallèlement, la pratique du partage de photos est encouragée.
Ça a marché ? Six mois après est-ce que les pratiques sont plus respectueuses ? "Il ne faut pas oublier qu'en nombre, la plupart des musées français sont sous le gouvernement des municipalités", rappelle Jean Michel Raingeard. "Le ministère n'a donc donné des indications que pour les musées nationaux. Il donne le bon exemple", assure-t-il, "mais ça ne veut pas dire que les collectivités territoriales soient toutes au diapason." Il y a donc, selon le président de la Fédération française des sociétés d'amis des musées "une campagne à mener auprès des élus locaux."
Les musées doivent améliorer leur accueil. "En 2012, au moment des discussions autour de la charte, nous avions aussi constaté un problème d'accueil dans les musées", explique encore Jean-Michel Raingeard. Une question qui continue de le préoccuper : "Il faut faire comprendre au visiteur qu'il n'est pas dans un parc d'attractions." Et sur ce point, dit-il, "je pense qu'il y a encore du travail à faire sur l'accueil du public pour que celui-ci ne soit pas lâché dans le musée." La charte vise donc aussi à "protèger" les personnels du musée. "Avant, il y avait aussi une certaine hétérogénéité dans les décisions. Ce document commun permet aujourd'hui d'être plus stricte sur l'utilisation du flash par exemple, parce que c'est la même règle pour tous. Ça facilite le travail de surveillance."
La photo, pour "s'approprier l'œuvre." La photo, ou le film, est "une façon de s'approprier l'œuvre d'art", confie Jean-Michel Raingeard. Le grand argument en faveur de l'autorisation des photos, c'est de dire que les œuvres appartiennent à la nation, et donc à tous. Pour le président de la Fédération française des sociétés d'amis des musées, "l'interdiction totale de la photo, comme elle est établie au musée d'Orsay à Paris, est très problématique. Le musée d'Orsay est l'établissement, avec le Louvre, qui reçoit le plus de visiteurs étrangers. Ils ne comprennent pas toujours cette règle, qui n'est pas la même partout." Le comble ? Cette histoire que raconte Jean-Michel Raingeard. "Un jour, le petit-fils de monsieur Chauchard (l'homme qui a légué à l'Etat L'Angélus, le célèbre tableau de Millet, à sa mort, en 1909, ndlr) a demandé le cahier de remarques à Orsay, pour y écrire un commentaire. 'Je ne suis pas d'accord pour que le public ne puisse pas photographier le tableau, donné pour l'éducation du peuple',"s'est-il insurgé. Pour informer le public sur la pratique de la photographie dans les musées, Jean-Michel Raingeard n'est pas à court d'idées. Pourquoi ne pas profiter notamment de la file d'attente, pour prodiguer quelques conseils ?