A l'écran, on le voit, l'œil rivé sur la lunette de son fusil, viser ses ennemis à des kilomètres, avant de leur loger une balle dans le corps avec précision et sang-froid. C'est sur les larges épaules de Chris Kyle, sniper d'élite, colosse américain au regard clair et à la barbe rousse, que repose le dernier Clint Eastwood, American Sniper, inspiré d'une histoire vraie. Malgré son énorme succès en salle outre-Atlantique, le film, qui sort en France mercredi, divise les Etats-Unis. Les détracteurs d'American Sniper dénoncent une œuvre qui fait l'apologie de la guerre et qui porte aux nues un personnage pour le moins controversé. Mais au fait, qui était le véritable Chris Kyle, dont l'existence a inspiré le film ?
160 ennemis tués au compteur. Dans American Sniper, pas de doute possible, Chris Kyle, incarné par Bradley Cooper qui a pris du muscle pour l'occasion, est dépeint en héros. Envoyé en Irak pour couvrir les troupes américaines, il force rapidement le respect de ses compagnons. On le voit, son esprit manichéen sachant toujours distinguer le bien du mal, dégommer sans jamais faiblir, tous ceux (en l'occurrence des Irakiens, civils ou soldats) qui se placent en travers de sa route. C'est cette vision, très premier degré, qui a partagé l'Amérique. Dans la vie, Chris Kyle, surnommé "La légende" par ses compagnons d'arme des Navy SEAL, et "le diable" par ses ennemis, s'est effectivement illustré dans quatre batailles majeures de la guerre en Irak, de 1999 à 2009, éliminant (officiellement) 160 personnes, parfois à près de deux kilomètres de distance, y compris des femmes et des enfants. Officiellement, car l'intéressé revendiquait 255 personnes abattues dans son autobiographie, parue en 2012 et qui a inspiré le scénario. Quoiqu'il en soit, ces 160 ennemis tués suffisent à faire de lui le tireur d'élite ayant tué le plus de personnes dans l'histoire militaire des Etats-Unis.
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Sûr de sa cause. Comme à l'écran, le vrai soldat ne semblait pas envahi par le doute. Au Figaro, Chris Kyle expliquait ainsi en avril 2012, soit un an avant sa mort, que les Irakiens étaient des "sauvages, qui n'hésitent pas à envoyer des femmes et des enfants faire le sale boulot". Il se considérait également comme "un féroce soldat de Dieu", satisfait de constater que chaque personne qu'il tuait "ne risquait pas de planter une bombe artisanale sous une route au passage d'un convoi américain". Dans le même article, le journaliste décrit une inscription sur la casquette de l'ancien soldat : "Contrairement à ce que votre maman vous a dit, la violence résout les problèmes." Dans sa biographie, le soldat, plusieurs fois décoré pour ses faits de guerre, a aussi assuré n'avoir aucun remords vis-à-vis des personnes qu'il a abattues.
Chris Kyle a quitté la Marine américaine en 2009 avant de s'installer au Texas avec sa femme et ses deux enfants. Le tireur d'élite n'est plus là pour voir le film inspiré par sa vie. Il a été abattu en 2013 par un ex-Marine de 25 ans, atteint du syndrome de stress post-traumatique, qu'il cherchait à aider. Héros pour les uns, brute assassine pour les autres, le film est en tout cas fidèle à son autobiographie, conformément au souhait du père et de la femme de Chris Kyle. Nommé six fois aux Oscars, dont celui du meilleur film et celui du meilleur acteur pour Bradley Cooper, l'oeuvre de Clint Eastwood devrait lui faire honneur.