Interview. Depuis vingt ans, le spectacle de danse celtique et irlandaise Riverdance séduit un large public. Surtout dans les pays où les Irlandais ont massivement immigré, à l’image des Etats-Unis. Mais c’est sans surprise en Irlande que Riverdance reste le plus populaire. Chaque été, le spectacle s’y produit pendant 10 semaines.
En France, le succès de Riverdance se confirme au fil des années. Quelque 70.000 spectateurs sont attendus pour la tournée française cette année. Erick Falc'her-Poyroux, maître de conférence à l’université de Nantes, est spécialiste de la musique et de la danse irlandaise. Il revient pour Europe1 sur le succès d’un spectacle au scénario à peine modifié ces vingt dernières années.
Comment expliquer le succès de "Riverdance" ?
Avant "Riverdance", la musique et la danse irlandaises s’étaient un peu assoupies. Mais lorsqu’en 1994, le spectacle "Riverdance" est présenté en intermède de l’Eurovision, il réveille et désinhibe la danse irlandaise. Ce spectacle apporte une joie de vivre communicative.
"Riverdance" a eu beaucoup de succès aux Etats-Unis, car ce pays fut une terre d’émigration massive pour les Irlandais lors de la grande famine du 19ème siècle. Il y a ensuite eu un effet de mode pour la culture irlandaise et sa musique dans les années 90, dont "Riverdance" a profité. La musique est l’un des biens culturels irlandais qui s’exporte le mieux.
Quelles sont les particularités de la musique et de la danse celtique ?
La musique irlandaise est représentée par la harpe, qui est d’ailleurs le symbole de l’île depuis le 13ème siècle. Cet instrument est associé aux druides, à la magie celtique. Mais la musique irlandaise se caractérise surtout par des musiciens à voix, qui chantent souvent à cappella.
Une partie de ces chants est traditionnellement consacrée aux revendications politiques. Elles s’expriment par le biais d’une forme de poésie gaélique [langue celtique irlandaise], appelée l’Aisling. Ces textes évoquent des visions, dans lesquels une femme énonce ses souffrances et ses revendications. A la fin du poème, on comprend que cette femme, cette vision, est en réalité l’Irlande elle-même.
La danse irlandaise est très complexe. Il y a d’un côté une danse effectuée en couple, et de l’autre une danse de soliste, ponctuée de pas très précis et sophistiqués. La prouesse de "Riverdance" est de parvenir à faire danser ces pas extrêmement complexes à plusieurs danseurs parfaitement synchronisés.
Après 20 ans d’existence, le spectacle connaît toujours un très fort succès en Irlande. La musique et la danse sont-elles des marqueurs identitaires irlandais ?
En Irlande, tout ce qui est culturel a une signification très importante. Au même titre que le sport ou le gaélique, la danse et la musique sont des marqueurs identitaires très forts.
Chaque région a sa danse traditionnelle. Celles-ci sont suffisamment anonymes et accessibles pour que tous les insulaires s’y reconnaissent. Il n’y a donc aucune différence entre le nord et le sud de l’île en ce qui concerne la musique et la danse, y compris après la partition de l’île en1921. Affirmer le contraire serait malsain : on ne peut pas dire que la musique et la danse soient catholiques ou protestantes.
Riverdance, les 20 ans, un spectacle en partenariat avec Europe1, du 9 au 11 mai à Paris au Palais des congrès.