Ce n'est pas la première fois que le Suédois Ruben Ostlung s'intéresse aux situations extrêmes. Dans Happy Sweden, il observait déjà l'influence du groupe sur l'individu. Cette fois, dans Snow Therapy, sur les écrans depuis mercredi, il raconte, au départ, les vacances idéales d'un couple aisé et de ses enfants à la station de ski des Arcs, en Savoie. Mais le séjour tourne court. Alors que la famille, qui déjeune en terrasse, voit arriver sur elle une avalanche, le père court se réfugier à l'intérieur pour sauver sa peau, laissant femme et enfants se débrouiller seuls dehors. Gros froid. Même si l'avalanche se révèle finalement sans conséquence, c'est le début de la fin pour les rapports familiaux. Le réalisateur a dit s'être inspiré de l'histoire vraie d'un couple d'amis. Le pater familias s'était carapaté, plantant là sa femme, lorsque des hommes armés avaient fait irruption dans le restaurant où ils dinaient. Comment se remettre d'un (terrible !) moment de lâcheté ? Nous avons posé la question au docteur Yves Doutrelugne, médecin, spécialiste des thérapies brèves et de l'hypnose thérapeutique à "Espace du possible", à Lille.
Fuir devant un danger… est-ce de la "lâcheté" ? Le terme a une connotation morale. Dans le film, la fuite du père est mal vécue, à commencer par lui-même. Sa réaction devient un traumatisme. C'est "le patient" qui "va donner sens à un fait", explique Yves Doutrelugne. C'est lui qui se considère comme un "lâche". C'est "sa façon à lui de qualifier son acte", de manière négative. Autrement dit, "c'est lui qui place le curseur entre le courage maximum et la lâcheté maximum." Le psychologue ne peut travailler que sur cette matière-là, "strictement personnelle", qui correspond "à un moment donné", à "son vécu à lui."
Travail de fond. Commence alors un "travail de fond." Le sujet devra réaliser que c'est lui qui se critique à ce point-là et qu'à travers cette autocritique, c'est lui, encore, "qui fixe la note à payer", explique le médecin. Si quelqu'un d'autre le juge lâche, c'est autre chose. Toute la situation est changée si sa femme le trouve lâche et pas lui. Si lui considère qu'il a fait ce qu'il a pu et qu'il a réagi de façon très instinctive, très animale. Il peut y avoir autant de sujets qui penseront de façons différentes, mais c'est lui qui établit le curseur.
Dépasser un traumatisme… ça se travaille. Le jugement qu'on a de soi, l'estime de soi, "ça se travaille", assure encore le thérapeute. Le héros du film, comme nous tous, est humain. "Par définition, l'être humain n'est pas toujours courageux, n'est pas toujours juste, ni honnête", voilà ce que le sujet va devoir "accepter" pour se remettre de l'événement. "On peut donc étaler la liste des vertus humaines et reconnaître simplement que nous ne sommes pas des êtres parfaits."
L'hypnose à la rescousse ? "Dans la mesure où il s'agit d'un traumatisme, et d'un moment très exceptionnel, vécu de façon exceptionnelle, une autre façon de travailler pourrait être de se servir de l'hypnose." Le psychologue s'intéresse alors "à la manière dont ce moment traumatisant a été vécu, intégré, enregistré et comment celui-ci ressort malgré lui dans sa vie. Il s'agit aussi de travailler sur la culpabilité et sur la façon dont le sujet aurait pu vivre l’événement autrement."
Juge et sanction. Quand une personne "se juge coupable de", il existe "des outils" pour arrêter de tourner en rond, confie enfin le psychologue. Une façon de travailler avec elle, c'est de lui faire prendre conscience qu'elle se "juge coupable" et de pousser le bouchon. "Ce type de travail là est contre-indiqué, on le comprendra facilement, avec un patient suicidaire. Le travail d'un juge, c'est de déterminer quels ont été réellement les faits, parce que sur ce point, on peut déjà discuter", précise le spécialiste. Puis "on peut lui demander quelle sanction elle s'est donnée. La plupart des gens interrogés répondent que de se sentir coupable est, en soi, une sanction. Mais c'est trop facile d'être coupable sans sanction !"
"On va alors amener la personne à se créer une sanction qui ait du sens par rapport à la faute qu'elle estime avoir commise, exactement comme dans un vrai procès. Ça peut être de l'amener à consacrer du temps à une cause, ou à quelqu'un etc. Quand on a fait sa peine, c'est libérateur, on se sent de nouveau en accord avec soi-même, mais il y a surtout un deuxième avantage : la peine, contrairement à la culpabilité, a une fin", conclut le docteur Yves Doutrelugne.