La première attestation de tatouage connue remonte à Otzi, cet homme préhistorique dont le corps a été retrouvé orné de 57 tatouages et conservé pendant près de 4.500 ans dans les Alpes du Tyrol. Mais si la peinture sur les corps n’est pas nouvelle, l’art du tatouage a toujours été très varié. Partout dans le monde, il a pris très tôt des formes multiples, et des fonctions diversifiées. Le Musée du quai Branly à Paris lui consacre une grande exposition, Tatoueurs, tatoués, dès le 6 mai. Sur place, on découvre trois cents œuvres historiques et contemporaines, provenant du monde entier. Et la grande nouveauté, c’est la participation des chefs de file actuels du tatouage dans le monde. "On voulait que les acteurs de cet art soient partie prenante de cette exposition", confie Sebastien Galliot, anthropologue et spécialiste du tatouage. "Certains d’entre eux ont d’ailleurs produit des œuvres spécifiquement pour l’exposition".
>>> Europe 1 a donné la parole aux créateurs. Trois tatoueurs professionnels reviennent sur l’exposition, et décrivent leur travail.
Jean-François Decaestecker, dit "Kostek", 43 ans. Tatoueur franco-belge, vivant actuellement aux Canaries.
"J’en suis venu au tatouage par hasard, mais pas complètement. De squat en squat d’abord, puis j’ai fait une rencontre aux Beaux-arts. Celle de Yann Black, qui voulait être tatoueur. Le tatouage, pour moi, c’était vivre en dehors de la société, et marquer ma différence, dans une société de plus en plus hyper-conformiste. Le paradoxe aujourd’hui, c’est que l’hyper conformisme amène au tatouage. Ça commence avec la nouvelle génération des tatoueurs, celle de Tin-Tin (célèbre tatoueur des stars ndlr.) Yann Black est un peu le point de départ de mon travail. Il est arrivé avec une nouvelle esthétique il y a une quinzaine d’années. Il a commencé à faire des dessins d’enfants, des choses très "brutes". Son travail m’a donné envie de tatouer. C’était "rock’n roll", et en même temps en dehors des clichés "tête de mort". Yann a commencé par exemple à tatouer des bras tout noirs, ce qui était assez révolutionnaire à l’époque."
Son œuvre : "Mon travail à moi est assez démonstratif et très influencé par celui de Yann Black. Ça va de simples lignes à des dessins plus complexes. C’est primitif-moderne. Je m’inspire de quelque chose de tribal, en employant un langage moderne. Ça n’a rien de figuratif parce que le figuratif ne me parle pas du tout. Donc je créé à partir d’un cercle, d’un bras noir, d’une ligne, d’une forme géométrique. Le côté ethnique me touche particulièrement. Un tatouage c’est toujours un passage, un rite, quelque chose qui te grandit. Moi, plus je me tatoue, plus je suis moi-même. "
Ed Hardy, tatoueur résidant à San Francisco, aux Etats-Unis, 69 ans.
"Cette exposition est très importante pour moi, j’ai d’ailleurs fait le déplacement depuis San Francisco pour être ici à l’heure de l’ouverture, parce que c’est la première fois qu’un tel point de vue (ethnographique) est pris par une institution culturelle sur le tatouage. Aujourd’hui le tatouage s’est beaucoup démocratisé à travers le monde et il en est arrivé à un stade artistique. Je crois que c’est important, à partir de là, de le replacer dans son contexte historique. C’est probablement la plus vieille forme d’expression artistique humaine, sans doute même plus vieille que les peintures dans des grottes à l’époque préhistorique. Je suis pour ma part obsédé par le tatouage depuis que j’ai dix ans. Je suis devenu un tatoueur professionnel après un cursus dans une école d’art, en 1966 et j’ai tatoué pendant les quarante ans qui ont suivi. J’ai été l’une des premières personnes à publier des livres et à écrire sur le tatouage dans les années 80. Le tatouage a énormément évolué en quelques années pour devenir un art très sophistiqué."
Son œuvre : "C’est un costume de théâtre "kabuki", une forme de théâtre japonais traditionnel, qui représente un tatouage intégral avec des pivoines rouges. Je l'ai réalisé à l'occasion d'une représentation de théâtre à Honolulu, à Hawaï à la fin des années 90. Ces sortes de costumes s'appellent des niku-juban et ils représentent l'apparition du tatouage dans le théâtre kabuki. Le costume épouse la forme du corps et permet un rapide changement en coulisses, en évitant un travail de peinture directement sur la peau."
Marc Kopua, il est l’un des principaux tatoueurs Maori, qui a fait le voyage depuis la Nouvelle Zélande.
"Marc Kopua a produit un magnifique short entièrement tatoué de motifs Maori, explique l’anthropologue Sebastien Galliot. C’est un événement exceptionnel parce que c’est une des premières fois en Europe qu'un tatouage est présenté dans un musée national. Ce professionnel est l’un des chefs de file du tatouage maori à l’heure actuelle. Il fait partie du Conseil National des Arts de Nouvelle Zélande."
Son œuvre : "Ce dessin évoque le mythe d’origine du tatouage en Nouvelle Zélande, puisque c’est une divinité du monde souterrain, qui s’appelle Wetonga, qui a tatoué un mortel pour qu’il puisse retourner dans le monde des vivants avec sa femme. C’est une version très vulgarisé du mythe, qui peut être très long à raconter. Ça rappelle que le tatouage en Nouvelle Zélande, et plus généralement dans toute l’Océanie, a une origine surnaturelle, ou divine."
MALENTENDU - Les tatoueurs vont pouvoir utiliser la couleur
FOOT - Thierry Henry, le tatoué new-yorkais