L’idée du film a surgi au détour d’un reportage. Un documentaire sur le travail de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) sur lequel Maïwenn est tombée par hasard, à la télévision. Coup de foudre. L’idée est là, une plongée au sein d’un quotidien méconnu. Maïwenn suit donc un stage à la Brigade des Mineurs de Paris. Il faut qu’elle les voie travailler, en vrai. Qu’elle s’imprègne. Une fois parmi eux, elle ne les lâche pas d’une semelle, écoute, observe, enregistre tout, reste même à la pause-déjeuner ou au moment de l’apéro, pour ne rien perdre.
Histoires vraies
Dans son film à elle, le réalisme est voulu, nécessaire : "Si elle fait de la fiction, elle a besoin d’ancrer l’intrigue dans la réalité, sinon elle n’y trouve pas de sens." explique Karine Viard (l’une des femme-flic du film). Ensuite il y a eu le choix des affaires : "Je suis partie uniquement d’histoires dont j’ai été témoin ou que les policiers m’ont racontées : j’en ai modifié certaines, mais je n’en ai inventé aucune " explique Maïwenn. Incestes, pédophilie, viols en réunion, sexualité déviante chez les ados, tout y est évoqué. Une certaine forme de misère intellectuelle aussi. "Et vous le secouez souvent votre enfant ?...Ben ouais…" Et on est là, face à cette mère complètement à côté de ses pompes, dans la peau de ces flics qui ont des états d’âme, sont parfois déchirés, atterrés mais qui doivent même dans les pires instants, tenir le choc face à l’abject, à la souffrance. Tenir.
Le spectateur ne quitte pas le regard des policiers de la brigade (Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Karine Viard, Naidra Ayadi, Emmanuelle Bercot...) Leur force à eux, c’est le groupe, ça aussi Maïwenn a su le filmer : leur complicité, leurs fous-rires…Ensemble, on est capable de rire du terrible, de partager un peu de la responsabilité, tout ce qui permet de mettre à distance, pour supporter.
JoeyStarr l’hypersensible
On croirait le film fait pour lui. JoeyStarr en flic hypersensible, investi jusqu’au cœur, d’une générosité à peine contenue par la carapace, sans défense du coup. Maïwenn a voulu montrer "sa part de fragilité, sa faille", un visage un peu oublié par les médias dit-elle, et puis "son charisme". Le quotidien de la brigade est cru, les affaires souvent sordides et sur lui rien ne glisse. "On a beau tous les jours faire du cas par cas, c’est pas pour autant qu’on changera le monde ou autre…Mais moi ça me reste, ça me tord" lâche le flic JoeyStarr. Et de fait, au fil du film, on comprend comme tout, en fait, s’effrite, en dehors des bureaux où les flics sont solides, comme tout se délite, comme dans les consciences, la vie privée, la nuit, seul, il devient plus difficile de composer. On comprend qu’il faut digérer les affaires du jour, les failles de l’institution, l’impuissance, le poids de la responsabilité…et comme tout ça pèse lourd, certains soirs.
Polisse, prix du jury au Festival de Cannes, sera sur les écrans le 19 octobre prochain. Un film Europe 1.
Retrouvez tout l’univers de Polisse en cliquant sur notre page spéciale : http://www.europe1.fr/Divertissement/Polisse/