Europe 1 a rencontré Agnès Jaoui. La comédienne est membre du jury, qui remettra dimanche, le palmarès du 70e Festival de Cannes
Agnès Jaoui a un privilège extrêmement particulier cette année. Elle a en effet été désignée membre du jury, avec huit autres personnes, pour le 70e Festival de Cannes. Dimanche soir, une grande responsabilité l'attend : remettre un palmarès et choisir le film qui recevra la Palme d'or. Bruno Cras et Mathieu Charrier l'ont rencontré, quelques jours avant cette ultime étape.
Bruno Cras et Mathieu Charrier : "Vous êtes membres du jury de ce 70e Festival, pas trop fatiguée ?
Agnès Jaoui : "Pas vraiment, mais je vis beaucoup de choses émotionnellement, c’est dense.
À quel titre ?
D'abord parce qu’il y a quelques films forts, ensuite parce que je ressens les énergies des appréhensions des artistes qui viennent les présenter, de la salle et comment ça va être reçu. Il y a aussi le jury qui est fort. Il n’y a que des personnes que j’admire. On est souvent d’accord et puis, plus du tout. J’ai vu aussi le film virtuel d’Alejandro González Iñárritu qui est extrêmement remuant. On est à la place d’un migrant, on a un casque qui nous fait vivre leur passage à la frontière.
On se demande comment se passe la vie du jury : comment vous fonctionnez ?
Cela dépend souvent des présidents de jury. Pedro Almodóvar voulait que l’on se voit tous les deux jours, pour que l’on n'ait pas à débattre d’un coup de tout. On se voit donc environ 2h30 tous les deux jours. Chacun a envie de parler, de défendre son point de vue.
Comment est Pedro Almodóvar ?
Il est à la fois calme et passionné. Pedro Almodóvar laisse parler tout le monde, il est super !
Avez-vous déjà des noms en tête avant d’avoir tout vu, ou vous vous dites 'on tranchera le dernier jour' ?
On y pense forcément dès le premier film. Et puis après, j’ai essayé d’arrêter d’y penser. C’est vrai que quand vous savez que vous devez donner votre avis sur un film, vous ne le regardez pas de la même manière. C’est pour ça que souvent, je ne vais pas aux avant-premières parce que j’ai envie d'être libre et tranquille, de pouvoir regarder le film comme une spectatrice lambda. On a forcément nos coups de cœur déjà, mais on sait qu’il reste encore des films.
Vous n’êtes pas seulement actrice, vous êtes également scénariste et réalisatrice. Vous ne jugez donc pas seulement sur l’émotion ? Vous examinez tout quand vous regardez les films ?
Oui sauf quand l’émotion m’emporte justement. Dans ce cas je ne réfléchis plus. Parfois je regarde beaucoup la mise en scène, mais ce n’est pas très bon signe !
Ressentez-vous la pression qui pèse sur vos épaules, ou êtes-vous dans une bulle qui vous permet de vivre votre aventure ?"
On est beaucoup dans une bulle, mais j’y suis volontiers. J’essaye de ne pas regarder les critiques. Même pas une seule photo sur ce qu’il se passe. Je lis les dossiers de presse seulement après avoir vu le film. J’aime bien rester dans cette bulle pour justement éviter d’être polluée par des considérations qui ne m’intéressent pas pour le moment."