Il est devenu l'empereur des insectes et un auteur à succès en réussissant à passionner 30 millions de lecteurs dans le monde grâce à son livre Les Fourmis. Bernard Werber change de sujet mais reste dans le monde animal en publiant Demain les chats. Invité samedi par Isabelle Morizet dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, il a raconté comment il était devenu écrivain.
"Une manière de survivre". "Toute personne qui crée des mondes n’est peut-être pas totalement satisfaite de celui dans lequel elle vit", postule-t-il. Petit, "pas un très bon élève, ni très sociable", il restait dans les forêts à observer la nature. "J’ai commencé à écrire des histoires parce qu’à l’école je ne me sentais pas bien du tout. J’étais le binoclard solitaire qui lisait des bouquins dans un coin, qui s’est aperçu qu’il avait le regard intéressé des autres quand il racontait des histoires." L'écriture est alors pour lui "une résilience, une manière de survivre, de ne pas devenir fou".
Nouvel angle. Sa première nouvelle, écrite à 8 ans et demi, s'appelle Les aventures d’une puce et raconte l'escalade d’un humain, des pieds au crâne, du point de vue de l'insecte. "Ce qui m’intéressait, c’était les changements de point de vue." Lui, depuis toujours, déplace la caméra et propose son regard décalé au lecteur. Dès l'enfance, il a le brouillon de son futur best-seller. Depuis ses 12 ans, il a peaufiné et retravaillé 100 fois le texte des Fourmisjusqu'à maîtriser l'art du suspense.
"Transformer ma différence en quelque chose d'acceptable". "Je passais pour un doux dingue. Il a fallu vite transformer ma différence en quelque chose d’acceptable pour l’entourage. Ce n’est qu’après 20 ans que j’ai pu être accepté professionnellement et socialement comme type qui regarde une heure les étoiles au lieu d’aller dans les boîtes de nuit." Passé par des études de droit qu'il trouve très ennuyeuses, puis de criminologie, il intègre une formation de journaliste scientifique à l'ESJ Paris. Il part même en Côte d’Ivoire faire un reportage sur les fourmis magnan. Son best-seller est un aboutissement, refusé plusieurs fois avant d'exploser.
Jules Verne, Barjavel. L'auteur s'insurge d'ailleurs du dédain porté à la science-fiction. "La SF est un genre qui a été tué dans les années 70 par l’arrivée du nouveau roman, et on a considéré qu’il ne fallait parler que du réel et du vécu de l’auteur. En France, on a décidé que la SF, c’était anglo-saxon. Du moment qu’on est catalogué littérature de genre, on est rangé dans un petit coin dans les librairies et on passe pour de la littérature qui n’est pas sérieuse. Il est quand même temps de rappeler que Jules Verne était Français et que Barjavel et Pierre Boule, l’auteur de La planète des singes, aussi. On a une très bonne SF française qui n’est pas visible."
Observer les humains. Lui voit dans le genre bien des avantages. "On s’autorise à imaginer ce qui risque d’arriver dans les années, les siècles, voire les millénaires à venir. C’est passionnant parce que la plupart des gens ne voient que sur une année, ou sur cinq ans pour les politiciens."
Pour concevoir ses mondes, il travaille de 8h à midi et demi. "Pas chez moi, je serais tenté d’aller manger. Je pourrais traîner en pyjama et pantoufles, ça serait la fin de tout." Alors Bernard Werber, à qui il arrive d'être extérieur à son espèce, va observer "les humains" au café.
De la science-fiction, vraiment ?
Vendre 30 millions d'exemplaires d'un livre donne quelques avantages, comme voyager et tenir des conférences dans les pays où l'oeuvre a été traduite. Ses livres ont même été piratés en Chine. Au Japon, un éditeur a eu l'idée saugrenue d'alterner une page des Fourmis, avec une page de Rimbaud. "Le traducteur en avait profité pour faire découvrir Rimbaud", sans indications, raconte l'auteur.
Au-delà de cette étrange traduction, l'écrivain s'étonne du classement de ses ouvrages. "En Corée du Sud, Les fourmis est plutôt considéré comme un livre de poésie, en Russie plutôt comme de la philosophie." Dans les pays slaves, on le range plutôt dans le registre fantastique-horreur et au Japon en littérature classique. "Ça m’amuse d’être transgenre", s'amuse l'auteur.