Cent ans qu'il nous a quitté. Auguste Rodin, père de la sculpture moderne, a laissé derrière lui des dizaines de chefs d’œuvres. Le Penseur, bien sûr, mais également Le Baiser ou encore L'Âge d'Airain. Du 22 mars au 31 juillet 2017, le Grand Palais célèbre l'artiste à l'occasion du centenaire de sa mort. Une bonne occasion pour mesurer l'apport du maître sur son art.
Auguste Rodin a libéré la sculpture
Constantin Brâncuși, Alberto Giacometti ou encore Germaine Richier, les noms des sculpteurs du 20e siècle qui ont été inspirés par le travail du Français sont nombreux. Il faut dire qu'Auguste Rodin et son travail ont ouvert une nouvelle voie, dans laquelle des dizaines d'héritiers se sont engouffrés. "Auguste Rodin a libéré la sculpture des contraintes qui pesaient sur elle au 19e siècle", résume Antoinette Le Normand-Romain, co-commissaire générale de l'exposition au Grand Palais.
Pour donner à voir le corps des êtres comme un miroir de l'âme et des passions, le sculpteur a débarrassé la sculpture de tout ce qui l'alourdissait. "C'est une manière de donner à l'oeuvre, aux personnages représentés, une dimension universelle", explique la co-commissaire.
Le Baiser, une des œuvres la plus connue du maître, symbolise bien ce parti pris esthétique. Alors qu'elle est censée représenter Paolo et Francesca, les deux amants de La divine comédie de Dante, Auguste Rodin les débarrasse de toutes marques temporelles pouvant les rattacher au Moyen-Âge, et donc notamment de leurs vêtements. Représentés nus, semblables à tout un chacun, cette condition confère au sujet une universalité, dans laquelle chacun peut se retrouver et se projeter.
Le corps en mouvement
Et que serait le tourbillon des passions amoureuses sans mouvement ? Là-encore, Auguste Rodin se distingue. Il saisit le corps dans son bouillonnement, s'éloignant encore un peu plus d'un certain académisme qui rigidifiait la sculpture au 19e siècle. Il suffit de voir sa série de plâtres sur les mouvements de danse, exposée au Grand Palais, pour comprendre jusqu'à quel point la question travaille l'artiste.
Les sujets figés dans le marbre, le bronze ou le plâtre, semblent être comme attrapés en vol, capturés dans l'instant. Pour accentuer encore cet effet, Auguste Rodin n'hésite pas à jouer sur la finition du matériau, en faisant se côtoyer sur une même œuvre des parties sculptées avec soin, et d'autres plus informes. "Ce contraste entre des parties ébauchées et des parties beaucoup plus finies est très caractéristique des marbres de Rodin", souligne Antoinette Le Normand-Romain.
Un autre apport fondamental de Rodin concerne sa relation avec la totalité d'un corps représenté. "Auguste Rodin a instauré l'idée que la complétude de la sculpture n'était plus nécessaire. Il reconnaît le fragment et le présente comme une oeuvre à part entière", indique Antoinette Le Normand-Romain. "L'homme qui marche, qui représente le buste et les jambes d'un homme en mouvement, est une oeuvre très forte, représentative de cet apport moderne de Rodin dans la sculpture", poursuit la spécialiste.
En effet, au 19e siècle, il apparaît impensable qu'une sculpture ne représente pas un sujet complet, marqueur significatif de son achèvement. Rodin élève au même rang le fragment épars et d'autres sculptures où le corps est représenté en intégralité, en les montrant dans ses expositions côté-à-côte. Un pas de plus vers la modernité.