Tous les samedis pendant une heure dans Clap, le spécialiste cinéma d'Europe 1 Mathieu Charrier et ses chroniqueurs font le tour de l'actualité du Septième art. Chaque semaine, un invité, qu'il soit ou non du monde du cinéma, se soumet à un questionnaire de Proust version 7e art. Samedi, l'acteur et humoriste belge, Benoît Poelvoorde s'est prêté avec sincérité et émotion à ce jeu.
Votre meilleur souvenir en salle ?
"C'est la première fois que j'ai vu mon visage agrandi sur un écran. On avait un premier court métrage quand j'avais 23 ans, j'ai vu mon visage en très très grand et ça m'a bluffé".
Votre premier souvenir en salle ?
"Emmanuelle. J'ai dû attendre 16 ans pour aller le voir, et c'était extraordinaire".
Votre réalisateur ou réalisatrice préféré(e) ?
"Jeanne Campion m'émeut à vie. Mais un réalisateur... Je pense qu'on ne peut pas aimer un réalisateur à tout prix. Il y a des gens qui touchent davantage, mais si c'est tout le temps le même, il fait tout le temps le même film. Je n'ai pas de réalisateur préféré, il y a seulement des rendez-vous, et c'est ça qui est génial avec le cinéma."
Votre séance de cinéma la plus dingue ?
"Dans un festival du film fantastique à Bruxelles. Ils sont 1.000 dans la salle et connaissent tous les codes des films : quand les gens vont s'embrasser, ils font 'smack smack smack' et quand il ne doivent pas ouvrir une porte ils font 'nooooon !', et la salle fait de l'intéractivité."
La plus belle scène de cinéma, selon vous ?
"Dans Raging Bull, quand il est énorme avec son cigare. Il répète devant le miroir et on sent qu'il est heureux. Ce type s'est battu toute sa vie pour essayer de trouver un équilibre, il a été le plus grand champion de boxe, et là il est très gros et pour la première fois il est tranquille avec sa conscience. Cette scène me touche à un point... C'est une rédemption alors qu'on devrait tous dire : 'put***, il pèse 300 kg, il finit dans un pauvre bar à raconter ses anecdotes de merde...', et pourtant il est calme, il est heureux, et est dans la quiétude sa conscience. Ça, ça m'émeut".
Le chef d'oeuvre que vous détestez ?
"Je suis très en colère contre les films de Clint Eastwood. Je ne trouve pas que ce type mérite autant d'admiration. Je trouve qu'il fait des films extrêmement âgés, et je ne vois pas pourquoi on dit que Clint Eastwood est un génie. Il est très beau, mais je pense qu'il était meilleur acteur que réalisateur. C'est surévalué."
Un dialogue de cinéma que vous connaissez par cœur ?
"'Il dort le vieux con ? Ben il dormira mieux avec ce que je vais lui mettre dans la gueule', dans Les Tontons flingueurs."
Le dernier film que vous avez vu en salle ?
"Ça doit être un de mes navets. C'est Le Grand Bain. Ce n'est pas un navet mais je ne supporte pas de me regarder. Je ne critique donc pas le film, je me critique moi. Je trouve toujours qu'il faudrait garder ce qu'il y a autour et m'enlever, je ne m'habituerai jamais à me regarder. Jamais, jamais, jamais... Je ne m'aime pas, je trouve que je joue mal, que je fais tache. J'ai l'impression d'être un imposteur. Pourtant, je suis très égocentrique, très mégalo, donc je n'ai aucune fausse modestie. Mais je ne m'aime pas au cinéma."
Le film qui vous a fait le plus rire ?
"Ce n'est pas un film, c'est Louis de Funès, dès qu'il apparaît dans un plan. Je pense que Christian Clavier est l'enfant chéri de de Funès, il a ce truc que peu de gens ont. Il a l'instinct comique, c'est inscrit dans ses gènes."
Le film que vous conseilleriez à votre meilleur ami ?
"Les Demoiselles de Rochefort".
Le film que vous conseilleriez à votre pire ennemi ?
"Joker, parce que je pense que c'est le début d'une société qui est en train de mourir, et ce film m'a terrorisé. Ce n'est pas le sujet qui m'angoisse, c'est l'utilisation que l'on fait de l'angoisse. C'est un des films les plus dangereux. Je trouve que c'est ce qui est le plus empoisonné. Ça m'angoisse, c'est très américain, et c'est ce qui va nous arriver dans la gueule dans deux ans en Europe : légitimer une colère plutôt que d'y réfléchir."