Comment vous est venue l'idée de cette série de podcasts sur les Premières Dames ?
J'y ai pensé car c'est un sujet qui fascine énormément les gens. On m'a toujours posé beaucoup de questions sur ma propre expérience mais on me demande également si j'ai rencontré Michelle Obama, si je connais Carla Bruni ou si j'ai déjà croisé Hillary Clinton. Ça revenait tellement qu'à un moment je me suis dit que je pouvais parler de ce sujet car j'ai une double expertise, celle de journaliste et de Première Dame.
Avec quel regard avez-vous réalisé ces podcasts ?
Mon regard est d'abord celui d'une journaliste. Ma légitimité vient de là plus que de mon bref passage à l'Elysée, même si cette expérience m'a permis de connaître les rouages de ce petit cabinet (ndlr : chaque Première Dame bénéficie d'un cabinet personnel pour mener à bien ses actions), ainsi que les rapports avec les conseillers du président.
Pourquoi avoir choisi Yvonne de Gaulle, Michelle Obama, Carla Bruni, Olena Zelenska et Danielle Mitterrand pour les cinq premiers épisodes ?
J'ai essayé de trouver cinq Premières Dames avec des engagements totalement différents pour que ça ne soit pas répétitif. Il y a la moins connue, Yvonne de Gaulle, puis une icône, Michelle Obama. On a aussi une artiste, Carla Bruni et une femme dans la guerre, Olena Zelenska. Danielle Mitterrand, elle, était militante.
Laquelle de ces cinq Premières Dames vous fascine le plus ?
Danielle Mitterrand est un véritable modèle pour moi parce qu'elle avait des engagements forts à l'international. Elle s'est battue pour tous les peuples opprimés. Et moi, ma tendance naturelle se trouve là également. J'aime que la solidarité ne s'arrête pas aux frontières.
L'engagement n'est pourtant pas toujours très bien vu pour les Premières Dames… Brigitte Macron a récemment été critiquée pour avoir donné son avis sur certains sujets politiques, comme l’uniforme à l'école. Qu’en pensez-vous ?
On s'offusque dès que Brigitte Macron prend la parole, mais elle a le droit d'avoir un avis ! Ce n'est que le sien, ça n'engage pas la France. Je tiens à dire que le rôle de Première Dame est un rôle très difficile. Quoiqu'on fasse, on est critiquées. Je l'ai vécu. Quand je suis arrivée à l'Elysée, je portais des robes que j'avais achetées chez mes petits marchands. On m'a reproché de n'être pas assez bien habillée. J'ai donc accepté de me faire prêter des robes par des couturiers. J'ai tout de suite eu droit à une couverture de presse disant : "Ça y'est, elle tombe dans le luxe". J'ai aussi été très critiquée pour avoir été la seule Première Dame à garder mon métier. Je ne faisais pourtant pas des interviews politiques, mais des critiques littéraires sur des romans. Pour moi, c'était non seulement un acte de revendication d'autonomie, mais aussi une nécessité car j'avais trois enfants à élever et il fallait que je gagne ma vie.
Vous étiez-vous préparée à ces attaques ?
Je croyais m'être préparée mais je ne l'étais pas. C'est comme quand on vous dit : "Prépare-toi au tsunami". On imagine un orage, mais on n'imagine pas un tsunami. En fait, c'est dix fois plus violent que ce qu'on pensait. Quand j'ai vu Carla Bruni lors de la passation de pouvoir, elle m'a dit qu'elle n'imaginait pas que c'était aussi violent. Elle m'a dit : "Pour vous, ça va aller parce que les journalistes sont vos amis". Ils n'ont pas été mes amis longtemps. J'ai refusé de servir de porte-parole officieux. Ils ne l'ont pas compris et m'ont tourné le dos.
Pouviez-vous compter sur le soutien du président ?
Vous ne pouvez pas en parler au président car il est concentré sur autre chose. Il n'a ni le temps ni la disponibilité d'esprit. Alors, on se tourne vers des personnes de confiance et on s'appuie sur le soutien de sa famille, qui est un socle de base. C'est aussi très dur pour les proches d'entendre les critiques et de lire des choses fausses. Il a été dit sur moi que j'avais une fortune colossale qui était cachée parce que mon grand-père était banquier. Mes sœurs m'appelaient et me disaient en rigolant "Rends-nous l'argent maintenant", parce que tout le monde savait que c'était faux.
D'autres rumeurs ont circulé à votre sujet, comme celle sur la vaisselle cassée à l'Elysée au moment de votre rupture avec François Hollande. Est-ce que ça vous a blessée ?
Cette rumeur me blesse toujours, je n'arrive pas à la digérer. François Hollande était contre les démentis parce qu'il pensait que ça allait attiser les choses. Aujourd'hui, je crois que c'est une erreur. Il faut faire un démenti tout de suite pour tout stopper directement.
François Hollande ne vous a pas assez protégée face aux rumeurs ?
Non, il ne m'a pas assez protégée. Mais, la situation n'était pas facile pour lui non plus et je ne veux pas avoir l'air de sortir de la vieille rancune. Il se dit peut-être aujourd'hui qu'il aurait dû plus me protéger car ça l'aurait protégé lui-même.
Les attaques visant les Premières Dames sont-elles des attaques misogynes ?
Je pense que c'est d'abord une façon d'atteindre le président de la République parce que l'épouse ou la compagne n'a pas choisi d'être là. On fait toujours passer ces femmes pour des ambitieuses mais c'est faux ! La plupart des femmes n'ont pas été heureuses à l'Elysée, hormis Bernadette Chirac qui a aimé ça. Claude Pompidou a appelé cette maison "la maison de l'enfer". Carla Bruni a joué le jeu. Mais elle était avant tout concentrée sur sa grossesse, et c'est ça qui lui a permis de tenir. Quand je l'ai rencontrée, elle pleurait en me disant à quel point ça avait été difficile.
Votre propre expérience de Première Dame a été très compliquée. Est-ce que la réalisation de cette série de podcasts a ravivé en vous des souvenirs douloureux de votre passage à l'Elysée ?
Non, bien au contraire. Ça a plutôt ravivé des expériences positives que je n'avais pas exploitées comme le fait que je sois allée à la tribune de l'ONU, à New York et à Genève, pour défendre la cause des femmes violées en République démocratique du Congo. Je suis allée aussi là-bas, dans l'hôpital du gynécologue Mukwege, que personne ne connaissait à l'époque (ndlr : depuis prix Nobel de la paix en 2018). J'ai visité son hôpital et jamais je n'oublierai ce que j'ai vu là-bas. Il y a aussi des gens avec qui je suis toujours en contact, comme Théo Curin. Je l'ai rencontré quand il avait douze ans et je n'ai jamais cessé de l'encourager depuis. On a un lien très fort.
Dix ans après avoir été Première Dame, êtes-vous totalement passée à autre chose ?
Oui, car je ne l'ai pas été longtemps. Je suis restée seulement deux ans et je pense que c'est peut-être ce qui m'a sauvée. J'ai retrouvé une vie normale. Alors, ce n'était pas un soulagement au début car j'ai beaucoup souffert de la fin de mon histoire d'amour. Mais je n'ai absolument pas souffert de quitter l'Elysée et ça, personne n'en a pris conscience.
Vous vous êtes récemment séparée de votre compagnon, le rugbyman Romain Magellan. Comment vivez-vous cette rupture ?
Ce n'est jamais facile mais c'est la fin de l'histoire. On a fait ensemble le chemin qu'on devait faire.
Dans une récente interview, Julie Gayet vous a adressé un message : "Je sais quelle douleur est une séparation. J’ai respecté cette douleur tout en essayant de trouver ma place". Ces mots vous ont-ils touchée ?
Je n'ai pas lu son interview mais cette phrase-là m'est revenue aux oreilles. Je préfèrerais qu'elle se taise à mon sujet car elle n'est pas à ma place.