Il est l'un des groupes phénomène des cinq dernières années. Feu! Chatterton, en tournée depuis onze mois, s'apprête à donner un gros concert parisien. Avant cette date, ils ont donné rendez-vous ce dimanche à Frédéric Taddéï pour une balade dans Paris, dans le 10e arrondissement, rue du faubourg Saint-Denis. C'est dans ce quartier que le groupe enregistre. Arthur, le chanteur et auteur, et Clément, le guitariste, claviériste, compositeur sont au rendez-vous. Les autres rejoindront la promenade un peu plus tard.
"Ça ne se fait plus vraiment". Des membres du groupe, c'est justement Clément qui vivait le plus près de cette rue bouillonnante, près de la gare de l'Est : "J’y ai vécu pendant 28 ans". La rue du Faubourg Saint-Denis, plutôt malfamé auparavant, s'est gentrifiée. "On a vu la transformation du quartier", ajoutent-ils. C'est parce qu'ils ont enregistré la plupart de leurs albums dans le coin, dans "une rue à côté, la rue d’Enghien. On a commencé adolescents à répéter dans cette rue dans les studios bleus qui sont juste à côté du New Morning. On dépensait tout notre argent dans les studios."
Ils en sont désormais à quatre albums au compteur, dont le dernier, L'Oiseleur, est nommé aux Victoires de la musique dans la catégorie album rock. "Il est moins rock parce qu'il y a plus de clavier, moins de guitare. Ce qui est rock, c’est qu'on joue vraiment tous ensemble. On répète les morceaux avant de les enregistrer. Ça ne se fait plus vraiment aujourd’hui. Ça, c’est rock", justifient les musiciens.
"Ce qui nous botte". Faire partie des nommés les amuse, d'un côté. "C'est important pour nos parents, comme une couverture de magazine. Ça leur permet de se dire qu’on fait quand même un métier un peu sérieux. Plus sérieusement, quand on est sélectionné, on peut se retrouver à jouer à la télé. Faire de la musique devant du monde, c’est ce qui nous botte."
Mais d'un autre côté, ils y voient un côté trop commercial : "Ce genre d’honneur c’est un peu spécial. C'est un prix décerné par des gens qui vendent de la musique." Le vrai succès pour eux reste de "remplir les salles. Des salles pleines, c’est concret. Ça ne fait pas avoir le melon, et c'est quelque chose qui reste pour quelqu’un qui t’as vu en concert. Il va plus vouloir continuer à t’écouter sur la durée que quelqu’un qui t’as entendu en streaming une fois ou à la radio", explique Arthur.
Samy Osta, producteur phare. Rue d'Enghein, le trio passe devant "Prestige coiffure", là où Arthur se fait tailler la moustache. Le temps de cette annonce, le groupe arrive devant la porte du studio de Samy Osta, leur producteur. "On l’a rencontré dès notre premier EP en 2014. Il a enregistré toutes nos chansons depuis."
L'homme est aussi le producteur de La Femme et de Rover. "C’est avec moi qu’ils discutent de la couleur, qu’ils échangent sur ce qu’ils ont envie de faire", explique Samy Osta. Parfois, Samy éclaire les idées du groupe. "Le fait de travailler avec toi, c’est là aussi qu’on arrive à simplifier les choses, à clarifier le propos et arriver sur quelque chose de précis", souligne Arthur. En tant que producteur, Samy Orta confie ne pas trop aimer "trafiquer" les sons et regrette qu'en général, la musique qui sort soit "très réparée".
Chez Jeannette. De retour dans la rue du faubourg Saint-Denis, il est temps de rejoindre les autres musiciens du groupe dans le café Jeannette, un endroit qui, selon les garçons, a "été le gros déclencheur" de la nouvelle vie de la rue, qui l'éloigne un peu de son côté "cour des miracles". Raphaël le batteur et Antoine le bassiste sont déjà là. Sébastien est en retard. Ils sont les moins exposés du groupe. "C’est agréable d’être dans la protection, de ne pas être sur la front line", juste devant le public, explique Antoine. Côté filles, Raphaël y voit un autre avantage : "On est moins sacralisé, du coup, elles nous approchent beaucoup plus facilement."
24 janvier. Ensemble, ils préparent leur grosse date, le Zenith de Paris le 24 janvier, 6.000 spectateurs. "Ça fait six mois qu’on se concentre", annonce Arthur. "Je ne suis pas marié mais j’ai l’impression que ça se prépare comme un mariage. On a eu quelquefois des expériences à la télé, notamment, qui nous ont montré ce qu’il fallait être sur scène. Être dans l’émotion de la chanson. On veut éviter tous les pièges genre mettre notre plus beau costume jamais porté et être mal fagoté." Ils veulent se faire beau, sans en faire trop. Certains s'accordent à dire qu'ils ont du mal avec "les sapes".
"Plus ça va, plus on s'apprécie". Désormais, cela fait bientôt cinq ans que le groupe est connu, mais cela fait quinze ans que tout a commencé au lycée. Le succès a mis dix ans. Dix ans "d’amitié, d’expérimentations musicales. Peut-être qu’on est arrivé au bon moment, quand la musique en anglais était vraiment invasive sur les radios".
Tous ne croient pas en cette théorie et votent plutôt pour un concours de circonstances. Ou leur ténacité. De ne pas s’être arrêté. De toujours aimer faire de la musique ensemble. "Plus ça va, plus on s’apprécie. La première tournée c’était comme un couple qui traverse une grande tempête. On s’aime encore plus. On n’est pas en prison." C'est le moment que choisit Sébastien pour arriver, à la toute fin.