Isabelle Carré renvoie une image discrète et lumineuse. Elle s'en étonne elle-même au vu de son passé qui filtre dans son premier roman, Les rêveurs, pétri d’éléments autobiographiques. L'actrice aussi à l'affiche de la pièce Baby au théâtre de l'Atelier était l'invitée de l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie. Elle revient sur son histoire et sa double actualité.
Une tentative de suicide à 14 ans. Dans Les rêveurs - certes un roman - l'actrice a infusé les moments les plus crus de sa propre vie et celle de sa famille : sa mère était une aristo rejetée par ses parents car enceinte à 18 ans. Elle a été sauvée par un étudiant aux Beaux-Arts, pauvre, qui cachait, lui, son homosexualité avant que le tout n’implose et qu’Isabelle Carré, alors enfant, se retrouve à l’hôpital pour tentative de suicide à 14 ans. Elle avait avalé tous les cachets de l’armoire à pharmacie. Un pitch incroyable mais qu'elle ne nie pas.
Cette tentative d'en finir était-elle un appel au secours ? "C’est difficile à dire. Aujourd’hui, encore, je n’ai pas la réponse. Je me suis rapprochée de cette adolescente en l’écrivant, mais une fois le livre terminé, c’est comme si cette histoire n’était plus la mienne." Elle précise : ce livre, "ce n’est pas l’idée de faire un témoignage, mais de raconter une histoire. C’est pour ça que j’ai voulu que ce soit un roman. Je me suis autorisée à partir dans l’imaginaire dès que je ne savais pas. C’est ce mélange des deux qui m’a plu à écrire, qu’on ne puisse pas démêler le vrai du faux."
"Le théâtre, merveilleux moyen d'expression". Quoi qu'il en soit, vrai ou faux, elle explique qu'elle ne changerait rien si elle pouvait revenir dans le passé. "Tout a été digéré grâce au théâtre, qui est un merveilleux moyen d’expression", justifie-t-elle. "J’adore jouer les histoires des autres, mais trouver mes propres mots, mon rythme, ma musicalité, ça m’intéressait énormément." Le livre bouclé, elle retrouve également les planches pour une autre histoire lourde de sens, celle d'une femme qui vit avec son mari et ses quatre enfants dans une caravane en Louisiane en 1989. Enceinte d'un cinquième enfant, elle accepte de le vendre à un couple fortuné. La pièce a bouleversé l'actrice, mère de trois enfants dans la vraie vie.
"Le théâtre contemporain parle de nos problématiques". Isabelle Carré explique son rôle de mère au théâtre : "Elle est complètement coupée en deux. Elle aime ses enfants, c’est une bonne mère. C’est ce qui la valorise le plus dans sa vie, elle le sait. Mais elle ne pourra pas s’occuper de cet enfant. Pour préserver un semblant de vie pour les quatre autres, et en imaginant une vie meilleure pour ce cinquième, elle se met à croire en cette possibilité d’une adoption", décrit la comédienne, qui précise que ce système d'"open adoption" est possible dans la législation américaine.
Une vision qui la fait aussi réfléchir sur l’actualité et notamment la GPA (gestation pour autrui) qui ne présente pas la même problématique mais s'en rapproche pour le côté mercantile. "Ça permet d’en parler, de se questionner, peut-être d’aller voir un peu plus loin. C’est pour ça que j’aime le théâtre contemporain. Il nous parle de nos problématiques d’aujourd’hui."