Courants au cinéma, voilà que les remakes débarquent dans le monde des jeux vidéo. Ainsi va de Final Fantasy VII, jeu de rôle japonais sorti en 1997 sur Playstation, revu de fond en comble dans une sublime version renouvelée sur PS4. Le choix de cette oeuvre n'a rien d'anodin, tant sa popularité reste grande après 23 ans. Régulièrement bien placé dans les classements des meilleurs jeux vidéo de l'histoire, Final Fantasy VII est devenu culte. Comment ? Pour Europe 1, un spécialiste de la saga Final Fantasy et un joueur (un peu spécial) de la première heure décortiquent le phénomène "FF7".
Alignement des planètes
Retour en 1997. Final Fantasy est déjà une saga bien installée, avec six épisodes parus au Japon depuis 1987. Il y est question de héros, de démons, de lutte contre le bien et le mal. Mais la série n'a jamais été importée en Europe. Jusqu'à Final Fantasy VII, qui paraît chez nous 10 mois après sortie au Japon. "C'est comme si, aujourd'hui, on découvrait Star Wars à l'épisode 7. Le jeu était précédé par sa réputation. Il y avait un petit côté légendaire grâce au bouche-à-oreille. On n'était même pas sûr de ce que c'était vraiment", raconte Romain Dasnoy, spécialiste de la culture japonaise et auteur de L'épopée Final Fantasy VI, un livre sur le prédécesseur de "FF7".
Quand le jeu sort, en novembre 1997, "c'est un bouleversement", assure Romain Dasnoy, 15 ans à l'époque. "Le 6 était déjà un très bon jeu. Mais le 7 l'a complètement surpassé", compare l'écrivain, qui a joué aux 15 jeux de la saga Final Fantasy. "Final Fantasy VII, c'est la rencontre de tous les éléments révolutionnaires qui s'accumulaient dans le jeu vidéo à l'époque : la 3D, les nouveaux jeux qui arrivaient en Europe, les débuts de la Playstation. Les planètes s'alignaient et Final Fantasy VII est arrivé pile au bon moment."
Un bond en avant technique
Pour expliquer le succès de "FF7", il faut d'abord prendre en compte l'aspect technique. "Le 6 était sorti trois ans plus tôt sur la Super Nintendo et tenait sur une cartouche de 4 Mégaoctets (aujourd'hui, à peine la taille d'un fichier mp3 de musique, ndlr). C'était de la 2D avec des graphismes très simples. Le 7, lui, tenait sur trois CD et pesait 2 Go en tout", détaille Romain Dasnoy (à titre de comparaison, le remake de 2020 pèse 90 Go, 40 fois plus, ndlr). "Tous les décors étaient dessinés à la main puis transformés en pixels, les personnages étaient en 3D et il y avait des animations en images de synthèse. C'est comme si le cinéma était passé directement du noir et blanc à la 3D."
Résultat, Final Fantasy VII propose une aventure d'une richesse jamais vue auparavant. Une révolution pour les joueurs. Parmi eux, un certain... Kyan Khojandi. À 15 ans, le futur acteur, réalisateur et humoriste, rendu célèbre par la mini-série Bref sur Canal+, découvre un nouveau monde. "C'était un des premiers jeux où on était libre. En plus de l'histoire principale, il y avait plein de petites quêtes secondaires cachées. Tu pouvais élever des animaux, faire du ski, débusquer des objets rares, aller au casino... C'était de la folie !", se souvient-il.
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Profondeur du scénario et action XXL
Un univers très vaste donc, mais surtout une histoire, celle d'un groupe de rebelles qui se révolte contre une entreprise toute-puissante dans un monde futuriste. "Final Fantasy VII a apporté de la maturité au-delà du divertissement. Au début, les héros posent une bombe qui tue des gens, même si ce n'est pas le but premier. Ce sont des éco-terroristes. Par la suite, il y a des héros qui meurent au nom d'un combat politique, économique et environnemental", expose Romain Dasnoy. "Mais 'FF7' était aussi très poétique. C'est un des premiers jeux où l'on pouvait avouer sans honte qu'on pleurait après certains événements".
Kyan Khojandi abonde : "Le scénario était très moderne pour l'époque. La question centrale du jeu, c'était l'écologie, qu'est-ce que l'homme fait à la planète. Final Fantasy VII, ça fait partie de ces jeux parfaits, à la fois beaux et intelligents". Un jeu qui n'oublie pas pour autant de procurer des sensations. "Ce qui m'avait le plus marqué, c'était les 'materia' : des petites boules qu'il fallait collecter et qui permettaient de lancer des sorts. Ça m'a toujours fasciné ce mélange de baston et de magie. Y avait de la foudre, du feu, c'était beau, c'était stylé !", s'enthousiasme Kyan Khojandi.
"C'est devenu une madeleine de Proust"
Mais comment expliquer que Final Fantasy VII ait accédé au rang de légende ? Pour Romain Dasnoy, "c'est la combinaison de l'attente autour du jeu et de ses qualités techniques et narratives qui a forgé la légende de 'FF7'. C'est devenu une madeleine de Proust". Évidemment, le jeu est de très bonne qualité, mais cela va plus loin. "Il y a une part de légende. J'ai joué à tous les Final Fantasy et je trouve le 9 meilleur que le 7. Mais c'est le 7 qui est resté dans la mémoire collective, y compris chez ceux qui n'y ont jamais joué. C'est un peu le Citizen Kane du jeu vidéo".
Avec sa 3D en polygones et ses combats au "tour par tour", Final Fantasy VII appartient désormais au genre du "rétro-gaming", les jeux vintage. "Il faut être honnête sur un point : 'FF7' a vieilli. Je l'ai refait il y a quelques mois et on voit le poids des années, c'est redondant au niveau des combats", estime Romain Dasnoy. Un avis que ne partage pas Kyan Khojandi. "Je l'ai racheté pendant le confinement et je l'ai refait en entier. Je kiffe toujours autant ! La 3D est bonne, la jouabilité aussi, il n'y a quasiment pas de bugs. Même 20 ans après, ça reste impressionnant", se réjouit-il.
Le remake ? "C'est carrément un cake de Proust !"
Ce qui nous amène au remake, qui vient de sortir sur PS4. Était-ce bien nécessaire ? "Je suis plutôt du genre à ma méfier des remakes, mais refaire Final Fantasy VII avec des mécaniques modernes n'est sans doute pas une mauvaise idée. J'accorde le bénéfice du doute aux créateurs, d'autant que c'est l'équipe du jeu de 1997 qui est aux manettes", avance Romain Dasnoy, qui n'a pas encore commencé à jouer. "Dans tous les cas, il va permettre de voir si la réputation de 'FF7' n'est pas usurpée, si les nouvelles générations sont toujours touchées par l'histoire et les personnages."
Kyan Khojandi, lui, s'est déjà lancé dans l'aventure. "Si on m'avait montré les images du remake quand je découvrais l'original à 15 ans, j'aurais dit : 'Bah vivement le futur les amis !'. Tu joues à un film là, c'est magnifique", s'enthousiasme-t-il après quelques heures de jeu. "Le fait qu'il y ait plus d'action, avec plusieurs personnages jouables, je trouve ça intéressant. Et puis, il y a la musique. Ça fait tout pour moi. La musique la plus écoutée dans mon téléphone, c'est celle de Final Fantasy VII. Alors la réentendre comme ça, réorchestrée, c'est même plus une madeleine de Proust, c'est un cake de Proust !". Bref, "Final Fantasy VII, c'est une très bonne raison de rester chez soi pendant le confinement".