Il a reçu la Palme d'or pour Moi, Daniel Blake, au dernier Festival de Cannes. Dans ce film, Ken Loach raconte l'histoire d'un menuisier de 59 ans qui a travaillé toute sa vie et dont le cœur lâche. Il se dit qu'il va arrêter de travailler et avoir droit à une pension pour survivre. Or, la bureaucratie anglaise décrète qu'il est toujours apte au travail et qu'il n'a droit à rien. Il s'enfonce alors dans la pauvreté et fait la rencontre d'une jeune femme, elle aussi broyée par ce système. Le réalisateur britannique était l'invité d'Un dimanche de cinéma pour évoquer la genèse de ce film social.
"Des gens piégés dans la bureaucratie d'Etat". L'inspiration est venue à Ken Loach de situations humaines qu'il avait lui même observées. "Paul Laverty, le scénariste, et moi, avons beaucoup échangé. Il habite en Espagne et moi en Angleterre et c'était toujours la même histoire que l'on se racontait : des gens piégés dans la bureaucratie d'Etat qui est consciemment cruelle. Il y a des histoires bizarres, comme celle de Daniel Blake. On a rencontré quelqu'un qui avait eu une crise cardiaque et qui devait passer un nouvel examen. Pendant cet examen, il a eu une autre crise cardiaque et n'a pas pu continuer. On l'a empêché de recevoir sa pension parce qu'il n'avait pas été présent. C'est presque impossible d'inventer de telles histoires", s'indigne le réalisateur.
"Dans le mauvais sens". Dans le film, c'est une société privée qui fait passer les tests d'aptitude à Daniel Blake. "L'Etat ne fait qu'engager des compagnies. Ce sont ces sociétés qui doivent décider de la vie, de la mort et de l'avenir des gens. C'est la même chose dans les prisons et aussi dans la police, chez nous. Peut-être qu'un jour, ce sera également le tour des pompiers. Ce devrait être une fonction de l'Etat."
Dans un des précédents films de Ken Loach, Family Life, l'héroïne était aidée par la société. C'est l'illustration de la pensée du réalisateur, convaincu que la société a évolué "dans le mauvais sens. Tout est vraiment délégué, même notre démocratie. Tous ces accords entre l'Europe et l'Amérique donneraient aux compagnies privées le droit d'empêcher les gouvernements démocratiques de gérer les Etats."
"Un combat doit continuer". A 80 ans, Ken Loach interpelle avec sa dernière oeuvre engagée, certain "qu'un combat doit continuer. Il faut raconter des histoires qui montrent ce qui se passe, comment les gens vivent, ensemble et les implications politiques. Les gens ont de plus en plus de pression sur leurs épaules. La façon dont les enfants sont élevés s'en trouve modifiée. Il y a un contexte politique, on ne peut pas séparer les choses."