Le cinéaste, réalisateur, producteur lyonnais Bertrand Tavernier est décédé jeudi, à l'âge de 79 ans, à Sainte-Maxime dans le Var. Figure du cinéma français, il était notamment président de l'Institut Lumière depuis 1982. C'est d'ailleurs l'institution, dédiée au 7e art, qui a annoncé la nouvelle sur Twitter, au nom de son épouse Sarah, de ses enfants, le réalisateur et comédien Nils Tavernier et la romancière Tiffany Tavernier, et de ses petits-enfants.
Avec son épouse Sarah, ses enfants Nils et Tiffany et ses petits-enfants, l'Institut Lumière et Thierry Frémaux ont la tristesse et la douleur de vous faire part de la disparition, ce jour, de Bertrand Tavernier. pic.twitter.com/apVuXzYgmS
— Institut Lumière (@InstitutLumiere) March 25, 2021
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Comme un symbole, Bertrand Tavernier était né le 25 avril 1941 à Lyon, haut lieu du cinéma. "Lyon m'a appris un enracinement dans un lieu. Je suis provincial et content de l'être, je ne me sens pas parisien", disait-il. Fils de l'écrivain et résistant René Tavernier, il avait découvert le cinéma lors d'un séjour en sanatorium. Assistant sur "Léon Morin, prêtre" de Jean-Pierre Melville, après être "monté" à Paris, Bertrand Tavernier devient attaché de presse de films de Jean-Luc Godard, Claude Chabrol ou de Georges de Beauregard, le producteur de la Nouvelle vague.
Une filmographie éclectique...
Mais en tant que réalisateur, cette éminente personnalité du cinéma français n'a pas marché dans le sillage de ce mouvement, accordant de l'importance à la narration et à ses personnages, là où la Nouvelle vague rejetait des procédés jugés trop classiques. Bertrand Tavernier a réalisé des films éclectiques, s'intéressant tant à la comédie dramatique (Un dimanche à la campagne, Daddy Nostalgie) qu'au film historique (La Princesse de Montpensier) ou de guerre (Capitaine Conan), jusqu'à faire une incursion américaine avec Dans la brume électrique, western contemporain version bayou avec Tommy Lee Jones.
Ses films ont été largement récompensés : prix 1974 Louis-Delluc pour son premier long-métrage, L'horloger de Saint-Paul, nomination aux Oscars 1983 pour Coup de torchon, prix de la mise en scène à Cannes en 1984 pour Un dimanche à la campagne, BAFTA 1990 du meilleur film étranger pour La vie et rien d'autre, Ours d'Or 1995 à Berlin pour L'Appât.
...et témoin de son époque
Ce dernier, qui raconte les dérives d'une jeune génération sans repères à travers l'histoire d'adolescents qui commettent deux meurtres sordides, illustre bien la volonté de Bertrand Tavernier de raconter une époque avec un cinéma volontiers sociétal. Le réalisateur a notamment examiné la misère sociale dans Ça commence aujourd'hui, ou les dérives de la télévision dans La Mort en direct. Rien d'étonnant de la part d'un réalisateur engagé dans de nombreux combats contre la censure, la torture pendant la guerre d'Algérie ou en faveur des sans-papiers.
Une passion contagieuse pour le cinéma
Mais son plus grand engagement fut sûrement pour le septième art lui-même, qu'il tenait à partager et à transmettre avec une générosité peu commune. Mû à la fois par le souci de défendre un cinéma français indépendant et la passion pour le cinéma américain du 20e siècle, Bertrand Tavernier a notamment écrit en 1970 30 ans de cinéma américain, ouvrage de référence sur le sujet, réactualisé et réédité depuis. Il consigne également en 1994 plus de 1.000 pages d'entretien avec des cinéastes américains.
Son film, Voyage à travers le cinéma français, devenu ensuite une série, proposait une anthologie très personnelle du septième art, véritable encyclopédie filmée. "Je ne suis pas plus blasé maintenant que quand j'ai démarré", assurait-il en 2016 en présentant ce documentaire. En 2019 encore, sur l'antenne d'Europe 1, Bertrand Tavernier évoquait le financement (difficile) de son prochain long-métrage. La passion était toujours là, teintée d'un peu de désillusion. "Si les gens ne veulent pas que je fasse des films, je passerai à autre chose et je laisserai tomber le cinéma."