Le vampire du XVIIIème siècle, ce monstre qui cristallise toutes les peurs

En 1751, Dom Calmet publie une version augmentée de son “Traité sur les apparitions et les Vampires”, alors que ces derniers terrifient l'Europe de l'est
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Nathan Laporte , modifié à
ENTRETIEN - Pour fêter Halloween, Au Cœur de l’Histoire fait la chasse aux vampires ! En compagnie de Philippe Charlier, médecin légiste, anthropologue et archéologue, l’historienne Virginie Girod s’attaque à la légende de ce monstre assoiffé de sang qui cristallise les peurs du XVIIIème siècle.
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Au XVIIIème siècle, l’Europe de l’Est fait face à un étrange phénomène. La population serait soudainement envahie par les vampires. Quel mystère se cache derrière les apparitions de ces êtres surnaturels ? Pour y répondre, Virginie Girod reçoit Philippe Charlier, médecin légiste, anthropologue et archéologue dans Au cœur de l'Histoire. Ensemble, ils partent sur les traces de l’abbé Dom Calmet, qui s’est intéressé aux vampires au siècle des Lumières.  

"Un sac de sang issu de la plèbe" 

Intellectuel respectable, l’abbé Dom Calmet publie en 1751 une nouvelle version de son "Traité sur les apparitions et les Vampires", une compilation d’anecdotes sur ces cas de vampirisme, collectés depuis la Lorraine où se trouve son abbaye. En plein siècle de la raison, son ouvrage consacré au surnaturel est un best-seller.  

Le vampire imaginé au XVIIIème siècle n’est pas le dandy romantique d’aujourd’hui. "C'est ce qu'on appelle un revenant en corps, un mort qui ressort de sa sépulture. Mais c’est une sorte de sac de sang ayant plus ou moins une figure humaine, issu de la plèbe. Esthétiquement, c'est complètement différent" précise Philippe Charlier, qui présente et réédite le traité de Dom Calmet aux Éditions du Cerf. Là où l’abbé se servait de la théologie pour expliquer les apparitions de vampires, Philippe Charlier éclaire ce phénomène surnaturel à la lumière de la science moderne.  

Profanation des tombes pour se prémunir des vampires 

En réalité, "on exhume les corps de ceux qu'on suppose être vampires, et les signes de putréfaction avancée sont mal interprétées par les populations locales" explique Philippe Charlier, médecin légiste. "Le sang ne coagule pas après la mort, il se reliquéfie. Cette liquéfaction est mal comprise : on voit que le sang est toujours liquide, donc on se dit que la personne est toujours vivante". 

Ces "outres de sang" mortes-vivantes déchaînent une "hystérie collective" : on profane des tombes pour s’en prémunir. Si l’ail n’est pas encore employé, on a déjà recours au pieux pour clouer le mort dans son cercueil, afin qu’il se tienne tranquilles. "Il y a aussi le pieu dans le cœur, il s’agit alors de tuer un organe que l’on croit encore vital" ajoute Philippe Charlier.  

Le vampire, un "bouc émissaire" qui cristallise la peur de l’envahisseur  

L’émergence du fantasme des vampires à cette époque est favorisée par des épisodes de conflits, de famine et d’épidémies. À la frontière entre l’Occident et l’Empire ottoman, "on est dans une zone géographique de confrontation, avec des difficultés de vie et de survie extrêmement intenses" explique Philippe Charlier dans Au cœur de l'Histoire. "C'est à la confrontation entre les mondes que surviennent les vampires : entre les mondes protestants et catholiques ; entre le monde chrétien d'Orient et chrétien d'Occident ; entre les Ottomans et le monde européen".  

Dans ce contexte, les vampires jouent le rôle d’exutoire. "La métaphore du vampire cristallise complètement la peur de la population, d'un envahisseur, d'individus d'une autre religion, de famine. On va désigner un bouc émissaire qui va être un cadavre, et en le brûlant ou le démembrant, la communauté se lave de cette peur panique. C’est une catharsis" développe Philippe Charlier.  

Du mort vivant gorgé de sang à l’aristocrate raffiné  

A partir de 1755 déjà, l’influence des vampires diminue. Gerhard Van Swieten, un médecin hollandais, est envoyé par l’impératrice d'Autriche en Moravie pour enquêter sur les vampires. Son rapport est sans appel, il s’agit d’une superstition ignorante. L’impératrice fait interdire tous les moyens de lutte contre les vampires pratiqués jusqu’alors.  

Ces derniers vont survivre au travers de la littérature. Au XIXème siècle, les mouvements romantiques et gothiques font du monstre assoiffé de sang une figure esthétique. "On n’a qu'une envie, c'est de se faire mordre le cou par un vampire", plaisante Philippe Charlier.  En 1897, Bram Stoker écrit Dracula. Cet aristocrate raffiné et élégant devient le nouvel archétype du vampire, que l’on retrouve dans Entretien avec un vampire ou Twilight.

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