Les faux-semblants de la réalité selon Douglas Kennedy

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LIVRES - "Mirage", le titre du dernier roman de Douglas Kennedy cache une question essentielle : connaît-on vraiment ceux que l’on aime ? Pour y répondre, le maître du thriller psychologique nous emmène au Maroc, et plus précisément à Essaouira.

Paul veut faire une surprise à sa femme : il l’invite en vacances à Essaouira, une petite ville du Maroc sur les bords de l’Atlantique. Dans un premier temps, Robyn est surtout inquiète des dépenses inconsidérées d’un tel voyage mais n’est-il pas temps pour elle de profiter de la vie ? Elle n’a jamais voyagé en dehors de l’Amérique du Nord et c’est l’occasion de découvrir un pays où Paul a passé quelques années. Peut-être connaîtra-t-elle mieux cet homme qui reste mystérieux sur son passé ? Et ces vacances aux portes du désert ne seront-elles pas le moment idéal pour concevoir enfin l’enfant qui leur manque tant ?
 
Se retrouver, à Essaouira - Paul et Robyn s’aiment passionnément mais tout les oppose. Lui est un artiste fantasque et passionné, il vit sans compter, dépensier au-delà du raisonnable. Robyn, quant à elle, travaille dans un cabinet d’expertise comptable, elle est ordonnée et raisonnable. Dans la douceur atlantique d’Essaouira, le couple se retrouve avec passion. Robyn est comblée, toutes ces incertitudes sur son couple s’envolent. Elle ne doute pas qu’un enfant naîtra bientôt de ces ardentes retrouvailles avec Paul. C’est en tout cas ce qu’elle se dit lorsqu’elle admire depuis le balcon de sa chambre d’hôtel "l’heure bleue". Cet instant, entre le jour et la nuit, où le ciel n’est ni totalement obscur ni complètement clair, "l’heure où rien n’est comme on croit le voir".
 
En plus de ses moments partagés, chacun s’adonne à ses activités personnelles. Robyn, loin de son quotidien, prend du temps pour elle. Elle suit des cours de français, un projet qui lui tient à cœur. Elle entreprend de longues marches sur les plages d’Essaouira. Et elle se lie avec des gens du pays, apprend les différences culturelles, l’art de la négociation ou la place des femmes dans la société. De son côté, Paul retrouve son inspiration. Tous les jours, il gagne le souk, s’installe dans un café, chez Fouad, où et il dessine les scènes de la vie quotidienne : le labyrinthe de ruelles, les marchandises inimaginables, la foule, les pyramides d’épices. Le lecteur goûte véritablement à cette ambiance unique de ce bout de monde.
 
Mais qui pourrait venir troubler des vacances aussi idylliques ? – Bien sûr, il ne faut pas attendre de Douglas Kennedy qu’il laisse ses personnages profiter de ce beau paysage. Le Maroc, c’est aussi le pays du Sahara, un lieu propice aux mirages. Et il semblerait que le séjour de Robyn ne soit rien d’autre que cela… En effet, alors qu’elle semble au plus proche du bonheur, elle apprend que Paul a subi une opération quelques semaines avant leur départ, sans qu’elle n’en sache rien… Puis il disparaît. Suit alors une invraisemblable traque d’Essaouira à Casablanca, en passant par Marrakech et l’impitoyable désert.
 
Douglas Kennedy dépeint avec délectation les contrastes d’un pays : l’hospitalité et l’incroyable gentillesse de ces habitants, mais aussi le machisme des hommes, sans oublier les préjugés des Occidentaux, persuadés qu’on ne peut faire confiance à personne. On retrouve chez l’auteur, l’art d’amener ses personnages à une extrême limite. Passion, mensonges et trahisons, tout est remis en cause, même ce que l’on voit de ses propres yeux. Un thriller qui nous amène aussi à considérer la complexité de la réalité.