Dresser un panel de Français. "L’objectif du film est d’aller à la rencontre des Français et des Françaises dans des petites villes moyennes. Et le film permet d’écouter les conversations qu’on peut entendre dans les lieux publics comme les cafés ou les terrasses", a expliqué sur Europe 1 lundi matin, le réalisateur du film Les Habitants, Raymond Depardon. Pour ce faire, le célèbre photographe est allé à la rencontre de personnes qui discutaient dans la rue. Il les a ensuite ramenées dans une petite caravane aménagée. Et le résultat est, qu’en une heure et demie de film, on découvre un fils en train de parler avec son père, une jeune mère de famille qui travaille dans un bar à hôtesses, des adolescents qui racontent leurs premiers amours ou encore une intérimaire qui enchaîne les boulots.
Le documentaire de Raymond Depardon donne l’impression que les Français rencontrés se livrent facilement. Un aspect qu’il a souhaité nuancer lundi matin sur Europe 1. "La petite caravane a contribué à cette aisance. C’est une caravane ancienne, ni luxueuse, ni ostentatoire. Et le principe était de ne pas leur poser de question, on laissait les gens avoir leur conversation, comme s’ils étaient dans un café". Et le résultat bluffe même le cinéaste : "j’ai été surpris car je pensais que les gens allaient parler politique mais leur colère est beaucoup plus nuancée et souvent elle se tourne vers la famille".
La solitude en toile de fond. En effet, la solitude émane très souvent des discussions enregistrées. On peut ainsi y entendre des phrases telles que, "il m’a quittée" ou "est-ce que je dois rester avec lui ?". Une certaine violence que concède le photographe. "On croit toujours, quand on lit les grands éditos économiques, que la France est suspendue à des problèmes économiques mais en réalité, ce n’est pas la priorité des gens. Le plus important c’est la solitude, la façon de vivre, avec qui l’on vit, le problème des enfants, etc", analyse-t-il.
"Beaucoup de gens souffrent". Pour Les Habitants, Raymond Depardon a rencontré plus de 200 personnes. Un panel qui lui permet de donner aujourd'hui son point de vue sur le moral des Français. "J’avais déjà parcouru la France en 2004 et j’avais été effondré. Aujourd'hui, je trouve que la France a pris conscience que personne ne viendra, d’un coup de baguette magique, faire un miracle pour le pays". Selon le photographe, "les gens vont donc mieux qu’en 2004 mais il y a beaucoup de gens qui souffrent".
Un film politique. Il y a quatre ans, François Hollande avait choisi Raymond Depardon pour prendre sa photo officielle. Un président dont il pense aujourd’hui "qu’il n’est pas allé assez vite" mais un président sur lequel Raymond Depardon "ne veut pas jeter la pierre". Depuis cette fameuse photo, Raymond Depardon a, par ailleurs, revu à plusieurs reprises le président de la République et son souhait est maintenant de lui montrer son dernier film car, "ce film est fait pour être montré aux responsables politiques et aux décideurs les habitants de la France".