Adélaïde de Clermont-Tonnerre 4:42
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Alexis Patri , modifié à
La romancière et femme de presse Adélaïde de Clermont-Tonnerre est samedi l'invitée d'Isabelle Morizet dans l'émission "Il n'y a pas qu'une vie dans la vie". Celle qui publie son nouveau roman "Nos jours heureux" revient sur ses cinq mois vécus en mission anthropologique parmi les Papous Wolanis, durant l'été de ses 20 ans.
INTERVIEW

Elle écrit des romans très loin du genre de l'autofiction. Et pourtant, la vie de l'autrice Adélaïde de Clermont-Tonnerre pourrait être un roman. Elle en fait une nouvelle fois la preuve samedi au micro d'Isabelle Morizet dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, où elle raconte l'étonnant voyage de l'été de ses 20 ans, où elle a passé cinq mois partis les Papous Wolanis de Papouasie-Nouvelle-Guinée, "C'était honnêtement une des expériences les plus fascinantes de ma vie", se remémore avec émotion La future rédactrice en chef du magazine Point de vue, partie accompagner l'anthropologue Stéphane Breton. 

"Il faisait un terrain d'étude dans cette tribu et m'avait proposé d'essayer d'établir le contact avec les femmes, qui sont forcément plus timides avec un homme", précise Adélaïde de Clermont-Tonnerre. "Leur langue qui n'avait jamais été décrite. Les femmes étaient encore vêtues de jupes à feuilles de pandanus. Les hommes avaient des étuis péniens. On avait les toutes premières haches en métal. Il y avait encore des haches en pierre. C'était une population totalement isolée."

Cinq mois en quasi-autarcie

À cette époque, le tourisme ethnologique n'existe pas en Nouvelle-Guinée. "C'était vraiment extraordinaire de rencontrer ces gens, de passer du temps avec eux, de découvrir leurs danses rituelles", se réjouit la romancière. "Quand on s'intéresse à l'humain, quelle chance inouïe de voir cela avant que ça ne disparaisse ! Stéphane Breton, lui, a passé des années là-bas. Il a écrit énormément sur eux."

Pendant cinq mois, la jeune femme et l'anthropologue vont vivre en quasi-autarcie avec les Wolanis. Et leur régime alimentaire a marqué Adélaïde de Clermont-Tonnerre. "Je suis revenue en France maigre comme un clou. Ils n'avaient pas grand-chose à manger. Il y avait du taro un peu cuit sous la cendre, un peu de patates douces", se souvient-elle. "J'ai mangé de l'opossum, qui est, sincèrement, la chose la plus immangeable qui existe. Ça a une peau extraordinairement amère. Donc, quand vous en mangez, vous avez une amertume très forte en bouche. Mais quelle chance de les avoir rencontrés ! Quelle chance de les avoir connus !"

Perçue comme "un fantôme d'une laideur inouïe"

Les Papous mesurent en moyenne 1,55m. Ils ont été surpris de découvrir Adélaïde de Clermont-Tonnerre, grande femme blanche aux longs cheveux blonds clairs. "Ils m'ont trouvé d'une laideur inouïe", s'amuse l'autrice. "Ils ne comprenaient pas que j'ai des cheveux de vieille. Pour eux, le blond, c'était vieux. Mais j'avais, dans le même temps, un visage de jeune. Et puis, surtout, la peau blanche, pour eux, c'était peut-être celle d'un fantôme. Au départ, les Wolanis ne voulaient pas me toucher. Ils avaient peur de moi."

Deux moments de vie quotidienne vont finalement apporter aux Wolanis la preuve de l'humanité de la jeune femme. "À un moment, je me suis étirée et on a vu apparaître mon ventre. Et là, je me suis retrouvée avec cinq femmes qui me touchaient le nombril", explique-t-elle. "Si j'avais un nombril, cela voulait dire pour elles que j'avais une mère et que j'avais eu un cordon ombilical. Donc, j'étais un être vivant."

Le second évènement qui a rassuré les Papous est intervenu lorsqu'Adélaïde de Clermont-Tonnerre s'est blessée aux pieds, pendant l'un des habituels trajets de plusieurs kilomètres de la tribu dans la forêt. "Je me suis retrouvée avec plein de gens qui touchaient ma blessure", raconte-t-elle. "Mon corps étant corruptible, cela voulait dire pour eux que j'étais un être vivant."

La mission anthropologique de cinq mois achevée, Adélaïde de Clermont-Tonnerre rentre en France. "J'ai quitté les Wolanis avec beaucoup de tendresse et de nostalgie, parce que je savais bien que je ne les reverrai probablement jamais", conclut-elle. "Et je savais que ce monde allait sûrement disparaître."