"C’était un carnage et c’est mon jour de baptême, je deviens solennellement français, c’est dit. Je promets devant le fronton des mairies d’aimer la France pour le pire et le meilleur, de la protéger, de la chérir jusqu’au dernier souffle." Ces mots sont ceux de Magyd Cherfi. Le chanteur du groupe français Zebda a publié cette tribune dans le journal Libération le 15 novembre, deux jours après les attentats qui ont touché Paris. Depuis quelques jours, ce texte touchant et engagé tourne sur le web. Invité de Caroline Roux, jeudi, Magyd Cherfi revient sur sa tribune et sur son état d'esprit, à six jours des attaques meurtrières.
Pourquoi ce texte ? S'il a éprouvé le besoin d'écrire ce texte, c'est parce qu'il s'est retrouvé "tétanisé, un peu recroquevillé chez lui". Le chanteur pense notamment au Bataclan, où Zebda a joué. "J'ai pensé à ce public et à toutes ces victimes et je me suis dit : ce public-là vient voir Zebda parce que c'est une population qui est comme ça, parce qu'il est dans un "trip" multiculturel qu'on aime bien. J'ai eu le sentiment que le flingue était pointé sur moi et qu'en tuant ces gens-là, [les terroristes] m'avaient un peu tué moi. Et tout à coup m'est revenue l'idée de la France, de la Nation, de la République et moi, fils d'immigré je me suis dit : 'j'ai un pays qui m'a accueilli, je suis rentré dans la grande famille républicaine, la famille française et aujourd'hui, j'ai besoin d'appartenir à un peuple, à une tradition, notamment celle des Lumières."
J'avais l'impression d'un "flirt" avec la France. Magyd Cherfi est né à Toulouse, en France, en 1962. Ce vendredi 13 novembre a changé sa façon d'être français. "Evidemment je suis français parce que je suis né en France, par ma carte d'identité, par la langue". Mais jusqu'aux attentats, le chanteur avait l'impression d'un "flirt" avec son pays, confie-t-il. Longtemps, il a été "dans la critique", dit-il, "à cause de [ses] copains de banlieue. Maintenant c'est "un mariage" dont le chanteur a eu besoin. "Parce qu'il y a un moment où il faut dire : oui je suis français, je suis de ces valeurs-là, (…) je choisis un camp et il n'y en a pas d'autre." Il a "malheureusement" fallu ce carnage pour que Magyd Cherfi "entre pleinement dans la République", explique-t-il. "Il y a un moment où il ne faut pas tergiverser en disant 'je suis un citoyen du monde'.", résume-t-il. "Il faut sauver un idéal qui est la liberté."
"L'école républicaine m'a fait l'égal des autres". Autour de lui, tout le monde n'a pas compris sa tribune dans Libération. Certains ont trouvé ça "un peu cocardier". D'après lui pourtant, il a très peu été chauvin. "Et si nous l'étions un peu ?", interroge le chanteur qui assume. "Je suis fils d'Algérien. Je suis allé dans l'école de la République qui m'a fait l'égal des autres". Ce sont "ses premiers pas de Français", raconte-t-il. "Et c'est à 17h (à la sortie de la classe) que je retrouvais la rue qui me rappelait la réalité", à son "statut" de fils d'immigré, confie encore Magyd Cherfi.
Son arme à lui, c'est la musique. "Il faut retrouver une confiance par des mots, des idées et des actes", espère-t-il.