C'est un rebondissement qui pourrait faire date mille milliards de mille sabords. La société Moulinsart, qui gère l'ensemble des droits relatifs à l'œuvre d'Hergé vient de perdre un procès aux Pays-Bas. Selon le jugement, les héritiers d'Hergé ne peuvent pas réclamer de droits pour l'utilisation d'extraits d'albums de Tintin, les droits de Tintin étant détenus par l'éditeur Casterman. A l'appui de cette décision surprise : un document daté de 1942 et signé de la main d'Hergé.
Mis à jour le 11 juin 2015. Moulinsart ne compte pas en rester là. La maison d'édition a confirmé qu'elle allait répliquer. Celle-ci assure, via un communiqué publié conjointement avec Casterman, l'éditeur historique des aventures de Tintin, qu'elle "entend exercer tous les recours que la loi hollandaise lui ouvre." La société dirigée par Nick et Fanny Rodwell, la veuve d'Hergé et son mari, sans jamais faire allusion au document de 1942, laisse du moins ouverte la possibilité d'un pourvoi en cassation.
"De manière laconique, la cour semble avoir fait une totale confusion entre les droits sur Tintin détenus respectivement par Moulinsart SA et les Éditions Casterman", estiment les deux groupes, se disant "étonnés" de la décision de la Cour d'appel de La Haye. Ils reconnaissent que "Hergé a concédé aux Éditions Casterman les droits d'édition en toutes langues et pour le monde entier des albums papier des Aventures de Tintin." Mais ils ajoutent que "tous les autres droits sont restés propriété d'Hergé, y compris les vignettes et autres dessins des albums exploités séparément. En conséquence (...) seule Moulinsart SA peut exploiter ou autoriser la reproduction des dessins et vignettes représentant Tintin et tous les personnages issus de l'univers d'Hergé."
Surprise totale. Moulinsart SA n'en est pas à son premier procès. Détenue par la veuve d'Hergé et gérée par son mari, la société a déjà intenté plusieurs procès pour défendre les droits de l'œuvre. Elle est à ce titre régulièrement critiquée pour sa défense agressive de l'héritage laissé par le dessinateur.
Une nouvelle affaire opposait cette fois-ci la société Moulinsart à une association de fans néerlandais de Tintin, qui avait publié des images de la BD sans autorisation. Moulinsart SA l'avait donc mise en garde, lui réclamant 35.000 euros par numéro pour poursuivre cette utilisation. Mais le conflit ayant atterri devant un tribunal, l'avocate de l'association a produit une pièce inédite qui a fait l'effet d'une bombe : un contrat d'édition, datant de 1942 et signé de la main d'Hergé, cède tous les droits de l'œuvre à l'éditeur Casterman, privant au passage la société Moulinsart de ses prérogatives.
Quelles conséquences ? Obtenu grâce à un expert d'Hergé resté anonyme, le document n'est pas contesté par la société Moulinsart et les héritiers d'Hergé, selon les juges. On ne sait pas encore si Moulinsart SA a l'intention ou pas de se pourvoir en cassation.
S'il faisait jurisprudence, ce jugement pourrait néanmoins coûter cher à Moulinsart SA. "la grande question est de savoir s'ils (les autres associations de fans de Tintin, ndlr) doivent continuer à payer Moulinsart SA", a expliqué Stijn Verbeek, le secrétaire de la Société Hergé. Comme l'a expliqué Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste du droit de l'édition, ce document dont personne ne connaissait l'existence risque désormais de compliquer les poursuites de la société Moulinsart.