Le comédien incarne le chef d'orchestre de génie, mais controversé, Wilhelm Furtwängler au théâtre. Il était l'invité de David Abiker, dimanche.
Dans A tort et à raison, Michel Bouquet joue un immense chef d’orchestre qui doit se justifier d'avoir joué devant les nazis, peut-être même d'avoir été complaisant avec le régime. Le comédien entre donc dans la peau de Wilhelm Furtwängler au théâtre Hébertot, jusqu’au 4 juin. Et à force de côtoyer le personnage à travers son propre jeu, Michel Bouquet rejette l'éventuelle complicité du chef d'orchestre : "Il ne le fut pas, c'est impossible. Comme il voulait protéger, il fallait rester là d'abord, ne pas s'en aller et faire avec l'horreur", confie-t-il au micro d'Europe 1, dimanche, alors qu'il est invité dans l'émission C'est arrivé demain.
"Le courage de résister". Pourtant, la pièce invite le public à se demander si jouer devant Hitler revient ou non à se compromettre. Elle ne soutient pas nécessairement l'opinion de son acteur principal. "La pièce représente le malheur d'être le contemporain d'une chose pareille. Furtwängler s'est dit 'protégeons notre art parce qu'il n'y a plus que ça'." Le comédien pense d'ailleurs que dans les mêmes circonstances, il aurait eu la même attitude. "J'ai joué de 1943 à 1945. Je me rappelle de représentations, par exemple d'Antigone, pièce très féroce. C'était insensé de jouer ça dans une période pareille. Les gens n'étaient pas dupes. Cela les confortait dans l'idée d'avoir le courage de résister comme Antigone résiste à Créon."
Jouer, "ce n'est jamais la même chose". S'il reçoit le compliment d'incarner complètement son personnage, Michel Bouquet ne sait pas comment il réussit à entrer dans le rôle. "Cela me paraît toujours impossible." Jouer en revanche des centaines de fois la même oeuvre ne lui pose aucun souci. "Ce n'est jamais la même chose, parfaire, essayer de simplifier, d'arriver à la tonalité parfaite que doit avoir la phrase. C'est aussi le plaisir de dire la même chose autrement." Quand on lui demande s'il sait pourquoi il a voulu devenir comédien, il ne réfléchit pas, la phrase est là, prête, certaine : "Pour échapper à la réalité. La période de l’Occupation me mettait très mal à l'aise."
Gallienne ? "Je suis plus réservé". Après plus de 70 ans de carrière, Michel Bouquet garde un œil sur les "petits jeunes" : "Pierre Niney , j'ai une énorme admiration pour lui. Je lui ai dit 'vous êtes un très grand acteur, c'est magnifique' "après avoir u Yves Saint-Laurent. Luchini ? "On a fait un film ensemble, il est venu me chercher en voiture, cinq minutes après, on était amis, c'était immédiat." Quant à Guillaume Galienne , "je suis plus réservé. Il est très différent de moi dans l'esprit."