"Je suis populaire et cela me rend heureux." S'il avait fallu résumer Michou en une phrase, peut-être aurait-ce été celle-ci. Le plus célèbre des directeurs de cabaret, qui a ouvert la voie au transformisme de divertissement en France, est mort dimanche, à l'âge de 88 ans. Ses costumes bleus, ses lunettes fumées et sa permanente blonde restent dans toutes les rétines. Ses spectacles qui ont agité les nuits de Montmartre dans les mémoires parisiennes. Jusqu'au bout, il a fait le "show", ouvrant sur scène les représentations "chez Michou".
Serveur avant d'être gérant de cabaret
Pourtant, rien ne prédestinait vraiment Michel Catty, le petit gars du Nord, à conquérir la butte de la capitale. Celui qu'on a surnommé "Mimi", puis "Chouchou", naît en 1931 à Amiens, dans une famille modeste. S'il aime déjà se déguiser avec les rideaux et les robes de sa grand-mère, qui l'a élevé toute sa jeunesse, ses premières années sont surtout marquées par le travail à la ferme (dès enfant, il gardait les vaches) mais aussi les bombardements de la guerre. Il n'a pas dix ans lorsqu'il entend pour la première fois les avions allemands survoler la ferme de ses parents, et les bombes, qu'il prend alors pour de curieuses caisses noires, tomber à quelques encablures. Pour sa famille, c'est l'exode, direction la Bretagne. Il ne reviendra à Amiens qu'en 1940, après la capitulation française.
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À l'adolescence, il enchaîne les petits boulots : porteur de plis, crieur de journaux, serveur. C'est finalement l'hôtellerie-restauration qui lui permet de réaliser son rêve et de s'installer à Paris. Le jeune Michou, 17 ans, est embauché comme serveur du côté de Pigalle, s'installe dans une chambrette minuscule. Son activité l'amène à rencontrer Dalida ou Jacques Brel, avec lequel il restera ami, mais aussi à fréquenter tous les établissements du coin, du "Liberty's Bar" au "Madame Untel" de la rue des Martyrs. C'est ce bar que Michou rachète en 1956, après avoir réussi à se faire prêter 2.500 francs. "Chez Michou" ouvre ses portes.
Deux bouteilles de champagne par jour
Pour Mardi-Gras, le jeune gérant lance un défi à ses amis : se travestir en femmes célèbres pour un soir. Lui choisit Brigitte Bardot. Les autres Dalida ou France Gall. Le succès est immédiat, Michou et ses "Michettes" font salle comble tous les soirs. Bien avant la mode des "drag queens", des hommes à perruques et peaux fardées amusent la galerie, "mais sans se moquer". "Il n'y a jamais de vulgarité", confiait Michou. "J'y tiens depuis toujours. Il y a beaucoup de respect dans nos caricatures. Nous adorons nos victimes et elles le savent bien." Selon lui, Dalida "adorait venir se voir plus délirante que jamais".
Le minuscule cabaret devient une référence internationale aux côtés du Moulin-Rouge, du Lido ou du Crazy Horse, et inspire La Cage aux folles de Jean Poiret. "À l'époque, il fallait être inconscient et ambitieux", rappelait Michou à l'AFP. "Depuis longtemps je rêvais d'un endroit de fête où l'on s'amuse vraiment. J'avais enfin trouvé la recette." Pendant soixante ans, lui-même donne de sa personne. Le secret de sa longévité ? Deux bouteilles de champagne par jour et beaucoup d'auto-dérision.
"Un homme, un vrai. Dans la vie, on n'en rencontre pas tellement"
L'apprentissage de l'estime de soi, aussi. Michou, qui comprend à 14 ans qu'il est attiré par les hommes, se souvenait récemment sur Europe 1 qu'il était "quand même très dur d'être homosexuel" dans l'après-guerre. "J'en ai entendu, des choses." Les mentalités ont fait du chemin. "J'ai la chance d'être un homosexuel notoire et aimé", confiait celui qui se félicitait d'être "l'homosexuel le plus connu de France" à l'AFP. De lui, son ami Jacques Brel dira un jour que "c'est un homme, un vrai. Et dans la vie, on n'en rencontre pas tellement."
Le rideau sur la scène de "Chez Michou" est tombé ce dimanche. Dans ses mémoires, "le prince bleu de Montmartre" expliquait vouloir que son cabaret s'arrête à sa mort. "Je veux que cette maison disparaisse avec moi", confirmait-il l'année dernière. "Cela peut paraître prétentieux mais le cabaret ne me survivra pas." Son autre dernière volonté était bien plus prosaïque : être enterré dans un cercueil bleu.