Elle transparaît dans le film Le nom de la rose. Mais la passion secrète de Jean-Jacques Annaud pour le Moyen-Âge va bien au-delà des besoins de l’adaptation du roman d'Umberto Eco. Invité dans le journal de Bernard Poirette sur Europe 1 dimanche, le réalisateur a raconté comment était née cette fascination pour la période historique.
"J'adorais visiter les églises". Il faut remonter à la petite enfance. "Je crois que ça vient du fait que j’ai été élevé dans un milieu très républicain et complètement athée". Le cinéaste dit l'être resté. Il n'empêche : "J’ai senti dans mon enfance une espèce de manque de spiritualité. J’adorais visiter les églises. Je trouvais que c’était un endroit de repos, de méditation." A ses 7 ans, il reçoit un petit appareil photo. Une de ses premières grandes entreprises est d'"entamer l’inventaire général des églises peu connues de France. Ça a commencé par l’église de Sainte-Pazanne parce que mes parents avaient fait construire une maison à Saint-Gilles-Croix-de-Vie", en Vendée. "J’ai fait des photos très documentées sur les chapiteaux, le portail. J’ai étudié l’époque de la construction de cette église. Le roman poitevin est fascinant." L'édifice sera finalement le seul à être complètement inventorié.
Calvaires, châteaux et abbayes. Mais l'enfant d'alors poursuit néanmoins "cette quête de la sculpture médiévale". Pourvu d'un nouvel appareil 24x36, il part en vacances avec ses parents plusieurs années avec le même objectif de découvertes en tête. Il va ainsi voir les calvaires bretons, les monastères de Provence, comme l'abbaye de Sénanque par exemple. "Après, c’était les châteaux d’Auvergne", énumère-t-il. "J’ai acquis une très bonne connaissance de la France."
"On y passe du temps". Outre la patrimoine, le cinéaste a d'autres arguments pour s'enthousiasmer d'une période souvent décrite comme noire et d'obscurantisme : "Ce qui me plaît aussi dans le Moyen Âge, c’est que les choses se font à la main. On copie les livres à la main, on comprend le sens des mots qu’on écrits. On y passe du temps, donc ils deviennent siens. Ce n’est pas une lecture superficielle, tout ça me plaît. On se déplace à pied ou à cheval. On voit le paysage, on sent les odeurs. On n’est pas dans la carlingue d’un avion où tout le monde sent le muguet", compare-t-il.
Le cinéaste cultive d'ailleurs les mêmes idéaux de temps suspendu aujourd'hui : "Quand je suis en France, ce qui est rare, j’aime la campagne, je vais dans ma maison de campagne. "Quand je vais en Mongolie, je vais dans une yourte qui sent le beurre rance, ça m’enchante. Les gens arrivent à cheval couverts de givre, c’est la compréhension de la nature. C’est tout cela qui me plaît dans le Moyen Âge et beaucoup moins après."