Même si ce n’est pas dans les principales catégories, la France possède tout de même quelques représentants aux Oscars, avec de sérieuses chances de décrocher une statuette.
Les Français et les Oscars, c’est une histoire d’amour qui dure depuis des décennies. Depuis la deuxième édition en 1930 et la nomination de l’acteur Maurice Chevalier, le cinéma tricolore envoie quasiment chaque année des représentants lors de la prestigieuse cérémonie américaine. Et 2018 ne manque pas à la règle, avec pas moins de quatre nommés français dimanche. Passage en revue des nommés et de leurs chances de repartir avec une statuette.
Alexandre Desplat, l’habitué
Faut-il encore présenter Alexandre Desplat ? A 56 ans, le compositeur chéri de Michel Audiard, Wes Anderson et Roman Polanski est l'un des musiciens les plus prisés du 7ème art. Coqueluche d’Hollywood depuis une dizaine d’années, il a imposé ses compositions tout en finesse partout où il est passé. Avec une pluie de récompenses à la clé : trois César, deux BAFTA, deux Golden Globes, un Grammy et même un Oscar pour The Grand Budapest Hotel. Sa musique enivrante composée pour La Forme de l’Eau de Guillermo del Toro mélange habilement piano, flûtes, guitare sèche et accordéon et donne un souffle onirique à ce conte fantastique.
Ses chances : Ça sent (très bon). Déjà couronné à huit reprises lors de la saison des récompenses, Alexandre Desplat a surtout glané le Golden Globe et le BAFTA de la meilleure musique de film. De sérieuses garanties avant les Oscars. Attention tout de même à ne pas crier victoire trop vite car la compétition est relevée. Les bandes originales de Carter Burwell (Three Billboards), Johnny Greenwood (Phantom Thread) et Hans Zimmer (Dunkerque) ont de sérieux arguments à faire valoir.
Bruno Delbonnel, l’homme de l’ombre (et de la lumière)
Lui aussi commence à se faire une place à Hollywood. Bruno Delbonnel, 57 ans, est un des meilleurs directeurs de la photographie français. D’abord collaborateur régulier de Jean-Pierre Jeunet (il décroche le César de la meilleure photo pour Un long dimanche de fiançailles en 2005), ce natif de Nancy fait ses premiers pas outre-Atlantique au milieu des années 2000. Il a travaillé sur Harry Potter et le Prince de sang-mêlé, Dark Shadows et Big Eyes de Tim Burton, et surtout Inside Llewyn Davis, des frères Coen qui lui vaut plusieurs récompenses et une troisième nomination aux Oscars (après Amélie Poulain et Harry Potter). Son travail sur le biopic de Winston Churchill Les Heures Sombres, tout en ombres et lumières, lui offre une quatrième chance.
Ses chances : Elles sont minces malheureusement. La faute à un homme : Roger Deakins. Le légendaire directeur de la photographie a tout raflé cette année et arrive aux Oscars comme grandissime favori grâce à son éblouissant travail sur Blade Runner 2049. C’est bien simple, sur les 18 remises de prix américaines où il était nommé, il l’a emporté… 17 fois (dont les Golden Globes où il a battu Delbonnel) ! Après 12 échecs aux Oscars, le Britannique de 68 ans pourrait enfin être récompensé par ses pairs.
Visages, villages, la grosse cote
Pendant des mois, la réalisatrice Agnès Varda, sa fille Rosalie et l’artiste JR ont sillonné les routes de France dans leur camion photomaton pour aller à la rencontre des habitants des campagnes. Le résultat est un documentaire malin, positif et émouvant. Récompensé par l’Œil d’or du meilleur documentaire à Cannes et acclamé par le public dans tous les festivals, Visages, villages est le documentaire événement de l’année.
Ses chances : Pourquoi pas. Récompensée par un Oscar d’honneur en novembre, Agnès Varda, qui se définit au micro d'Europe 1 comme "une petite reine dans la marge du cinéma" pourrait bien doubler la mise mais ce n’est pas gagné. Le principal concurrent semble être Icarus, de l’américain Bryan Fogel qui relate son enquête sur le dopage d’État en Russie. Mais actualité oblige, l’Académie pourrait choisir de récompenser Les Derniers Hommes d’Alep, film syrien (une première aux Oscars) qui met en lumière le travail humanitaire des Casques Blancs. Également très politique, Strong Island, récit autour du meurtre en 1992 d’un enseignant afro-américain par un mécanicien blanc, a ses chances. La compétition est rude : tous ces films ont été primés dans divers festivals (Toronto, Vancouver, Sundance).
Garden Party, la belle histoire
"C’est fantastique ! On ne s’attendait pas à mener le film aussi loin." Au micro d’Europe 1, les six étudiants de l’école du film d’animation d’Arles n’en reviennent toujours pas : leur court-métrage animé Garden Party est nommé aux Oscars. Florian Babikian, Vincent Bayoux, Théophile Dufresne, Gabriel Grapperon, Victor Caire et Lucas Navarro vivent un rêve éveillé grâce à leur film d’étude qui voit des batraciens festoyer dans les restes d’un banquet donné dans une maison abandonnée. L’animation, plus vraie que nature, est splendide et devrait leur ouvrir les portes d’Hollywood.
Garden Party from Illogic on Vimeo.
Ses chances : c’est une catégorie difficile à juger alors disons que tout est jouable ! Les jeunes Français ont déjà remporté 45 récompenses, dont le Grand Prix du festival de Nashville, très coté aux États-Unis, et peuvent croire au miracle. Ils affrontent le légendaire basketteur Kobe Bryant qui anime une lettre d’amour à son sport, une adaptation germano-britannique de Roald Dalh, un mini-film produit par Pixar et un court en stop-motion réalisé par un couple américano-japonais (mais produit en France).
On les supporte aussi
A côté de ses quatre représentants "officiels", la France pourra aussi se réjouir d’autres victoires, sans pouvoir être la seule à s’en attribuer le mérite. Ainsi va du jeune franco-américain Thimothée Chalamet, nommé à l’Oscar du meilleur acteur pour Call me by your name (coproduction française). Il parle mieux anglais que français et n’a jamais joué en France mais on croise les doigts pour qu'il s'impose. Après tout, Gary Oldman n'a pas besoin d'un Oscar, lui qui a déjà tout prouvé.
Il y a aussi les films produits en France mais réalisés par des étrangers. On a cité le court-métrage d’animation Negative Space, de Max Porter et Ru Kuwahata. Mais c’est surtout dans catégorie Meilleur film en langue étrangère que la production française brille avec trois représentants : L’Insulte, du libano-franco-américain Ziad Doueiri (réalisateur de la série Baron Noir) concourt pour le Liban ; The Square, Palme d’or à Cannes, pour la Suède ; et Faute d’Amour, coproduit par Arte, pour la Russie.