"Je vends parce qu’il est temps de vendre. Les œuvres d’art ne vous appartiennent pas." Dimanche matin, l’homme d’affaires et mécène, Pierre Bergé, était l’invité de David Abiker dans "C’est arrivé demain", sur Europe 1, pour parler de la vente aux enchères de sa bibliothèque personnelle.
Six ventes. Après plus de soixante années d’acquisitions et de collection, l’ancien compagnon d’Yves Saint-Laurent se sépare de centaines d’ouvrages, tous plus rares les uns que les autres : Les Confessions de Saint Augustin, Candide de Voltaire, ou encore un exemplaire de Madame Bovary, dédicacé par Gustave Flaubert lui-même, à Victor Hugo. Vendredi 11 décembre, une centaine de livres seront ainsi proposés aux enchères à Drouot, lors de la première vente d’une série de six.
Ni Camus, ni Malraux. "Ces livres, je les aime, je les ai lus, je les connais", raconte Pierre Bergé à David Abiker. "J’ai constitué ma bibliothèque uniquement autour de textes", précise cet amoureux de la littérature. Ainsi figurent aussi de grands absents parmi cette bibliothèque. Pas de Camus ni de Malraux puisque Pierre Bergé n’aime aucun des deux et "surtout pas ce que les Français en ont fait, qui les ont pris l’un et l’autre, pour en faire deux serres-livres entre lesquels ils placent toute la littérature du 20e siècle".
Un livre qui a traversé des siècles. "Qu’est-ce que la bibliophilie ?", questionne l’homme d’affaires. "C’est s’attacher à une chose assez mystérieuse, qu’on peut ne pas comprendre, qu’on peut ne pas aimer, et qui n’ajoute rien au texte. Mais voilà, c’est se dire : 'vous possédez dans les mains ce livre de Louise Labé de 1555, édité avec privilège du roi, relié en parchemin de la même époque'. Et vous avez dans la main un livre qui a traversé des siècles", explique avec passion Pierre Bergé.
Comme Les Essais de Montaigne, un ouvrage ayant plus de 500 ans, en parfait état, qui figure à la collection du mécène. Ou bien cet exemplaire de Madame Bovary, portant la dédicace de Gustave Flaubert à Victor Hugo : "Au maître. En souvenir et hommage". "Là, vous ne pouvez qu’être ému", avoue Pierre Bergé.
"Le plus précieux, c’est le texte". Pour autant, le collectionneur - qui concède "adorer lire sur tablette" -, estime que l’amour du texte, du style, passa avant tout. "Le plus précieux, c’est le texte. Que vous lisiez Les Essais de Montaigne dans une édition rare ou que vous les lisiez dans une édition contemporaine, c’est exactement la même chose car ce qu’il y a de plus important, c’est le texte." D’autant, ajoute-t-il, qu’"il vaut mieux ne pas lire dans des éditions rares, on risque de les abîmer".
Le livre de Poche succédera à l’ouvrage inédit. D’ailleurs, Pierre Bergé va "remplacer chaque livre vendu par le même. Je parle du texte." Ainsi, Les Essais, datant de 1580, seront remplacés "par un Montaigne en édition contemporaine ou livre de poche". Et de conclure, au sujet de ces œuvres à la valeur inestimables : "Vous avez beaucoup de chance de les héberger, de les accueillir, et un jour elles partent. C’est le lot des œuvres d’art".
>> Retrouvez sur Europe 1 tous les dimanches matins de 9 à 10 heures, l'émission "C'est arrivé demain", présentée par David Abiker