Woodstock, 50 ans après : Richie Havens, l'histoire d'un destin qui bascule

Le concert de Richie Havens à Woodstock a été un tournant crucial dans sa carrière. © Capture d'écran Youtube
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Jean-François Pérès

Tout l'été, Europe 1 revient sur les artistes qui ont incarné la révolution Woodstock, en 1969. Dans ce deuxième épisode, Jean-François Pérès s'intéresse à Richie Havens, ouvreur malgré lui de ce festival iconique.

Il y eut un avant, il y eut un après. Il y a 50 ans, la vague Woodstock submergeait le monde. Europe 1 vous fait revivre, à l'heure des festivals de l'été, l'histoire de cette révolution, non seulement par ce qu'elle a apporté, mais aussi par ceux qui l'ont incarnée. Aujourd'hui, Richie Havens.

Il ne devait pas faire l'ouverture, il finit par jouer trois heures

C'est l'histoire d'un homme poussé par les circonstances à ouvrir le plus grand festival de l'histoire du rock. Richie Havens n'était que le cinquième sur l'affiche, en ce vendredi 15 août 1969. Mais Sweetwater, qui devait lancer les trois jours, et les autres, n'étaient pas encore arrivés, victimes des embouteillages hallucinants sur la route du festival. 

Dans le vacarme des hélicoptères qui assurent à la fois la surveillance et le transport des groupes vedettes, ce grand homme noir barbu, simplement vêtu d'une tunique africaine orange et de sandales, déboule avec ses deux musiciens. Il est 17 heures... Il va jouer près de trois heures, avec sept rappels. Et quand il n'a plus de titre, il improvise un vieux gospel, Motherless Child, qui va devenir pour l'histoire un simple mot : Freedom.

Un musicien et un homme à part

Une voix à la fois chaude, profonde et râpeuse, et une technique de guitare incroyable, avec un pouce qui coulisse sur le manche à la place des autres doigts : Richie Havens était un musicien et un homme à part.

Aîné d'une famille de neuf enfants, dans le Brooklyn de la Seconde guerre mondiale, pionnier avec Bob Dylan et d'autres du Greenwich Village à New York, là où tous les jeunes poètes et musiciens beatnik se rencontraient et jouaient dans des cafés, il publie son premier disque en 1967 sur le mythique label Verve. Avec déjà des reprises, ce qui deviendra plus tard sa marque de fabrique, mais aussi des compositions personnelles qui reflètent l'état d'esprit de la jeunesse alternative d'alors, éprise de libertés en tous genres et d'égalité entre les sexes, entre les couleurs de peau, dans une Amérique en proie aux révoltes et aux émeutes.

Quasiment inconnu avant Woodstock, Richie Havens accède à une notoriété qu'il n'a pas forcément voulue. Il fonde sa propre maison de disques au nom déjà très écolo : Stormy Forest ("La forêt orageuse"). Il crée aussi un musée océanographique dans le Bronx à New York, et passe beaucoup de temps auprès des enfants pour leur enseigner la responsabilité environnementale et les menaces qui planent sur le climat.

Dalaï-lama, Festival de Cannes et reprise des Beatles

Extrêmement respecté dans le milieu des artistes, il sort régulièrement des disques d'une qualité jamais démentie. Le dalaï-lama lui réclame même une chanson, un soir à Los Angeles. En France, il participe à la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes en 2008 pour son ami Sean Penn. Présenté comme une légende par Édouard Baer, il y interprète Freedom, toujours aussi fidèle à ses idéaux. 

Quelques années plus tard, Richie Havens s'éteint chez lui, en 2013. À 72 ans, il laisse une trentaine d'albums derrière lui, en studio ou en concert, où il excellait.

Son plus grand succès, Alarm Clock, son premier album dans le Top 30 américain, sorti en 1970, contient sa plus célèbre reprise, l'une des plus réussies également : Here Comes The Sun, le classique des Beatles signé George Harrison. Une chanson qui résume bien l'homme et l'artiste.

 

Ses cendres dispersées à Woodstock

En 1999, Richie Havens avait écrit un livre intitulé They can't hide us anymore ("Ils ne peuvent plus nous cacher"). Il y racontait son expérience presque mystique de chanter devant plus de 300.000 personnes pour délivrer un message de paix et de fraternité à la jeunesse américaine.

À sa mort, et respectant sa volonté, ses cendres ont été dispersées sur les lieux du festival, unissant à tout jamais Richie Havens et Woodstock…

Retrouvez tous les autres épisodes de notre série "Woodstock, 50 ans après" :

> Épisode 1 : aux origines du plus iconique des festivals