Difficile de se remettre d’une déception professionnelle. Face à un échec, plusieurs sortes de réponses existent. Celle d’Adrien Rabiot en est une parmi d’autres. Le milieu du PSG, non sélectionné dans la liste des 23 joueurs de l’équipe de France qui iront jouer la Coupe du Monde de football en Russie, a décidé de se retirer de lui-même de la liste d’attente dans laquelle Didier Deschamps l’avait inscrit. Une liste de réservistes destinée à pallier les éventuelles blessures des titulaires. Mais qui ne correspondait manifestement pas aux attentes d’Adrien Rabiot.
Une telle situation, chaque travailleur peut un jour ou l’autre la rencontrer dans sa carrière. Une promotion non obtenue, une nouvelle mission qui nous passe sous le nez, un poste convoité et confié à un autre… La liste des déceptions professionnelles potentielles est longue. Comment surmonter une pareille déception ? Comment aller de l’avant ? Europe 1 vous donne quelques éléments de réflexions.
Comme Rabiot… il ne faut pas s’auto-flageller
"Il est important d’être indulgent avec soi-même. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas atteint un objectif que c’est notre personne qui est en cause. J’ai échoué ne signifie pas je suis nul. Il peut y avoir de nombreux autres facteurs : des problèmes personnels, un environnement économique difficile, des exigences trop élevése, un manque de soutiens de nos collègues ou de la hiérarchie… C’est important de se dire ça pour garder confiance et rebondir ensuite", estime la coache professionnelle Bérangère Touchemann. En cela, Adrien Rabiot a donc eu raison de ne pas s’auto-flageller. En estimant qu’il ne mérite pas sa place de réserviste, il ne s’attribue pas tous les torts de son échec. Un état d’esprit qui pourra, à termes, l’aider à rebondir.
Comme Rabiot… Il ne faut pas hésiter à interpeller son manager
Une déception peut parfois nous plonger dans des ruminations sans fin, dans une position victimaire qui nous pousse à nous renfermer sur nous-même et à ne jamais prendre la cause de notre déception à bras le corps. Face à un refus de promotion que vous trouvez injuste ou à l'attribution d'une tâche que vous estimez indigne de votre talent, la première chose à faire est donc peut-être d’aller en parler à votre manager. "Il n’y a rien de pire que de ne pas dire les choses. Quand on attend trop pour s’exprimer, des malentendus et des frustrations se transforment en interprétations subjectives qui peu à peu créent un gouffre et un malaise", écrivent la coache Christine Lewicki et la DRH Emmanuelle Nave dans leur livre J’arrête de râler au boulot. Le milieu du PSG a donc eu, en quelque sorte, raison de vouloir exprimer son mal-être rapidement.
À l’inverse de Rabiot… Il faut se remettre en question
Le joueur du PSG ne peut pas vraiment être cité en exemple pour autant. Si l’auto-flagellation est à proscrire, il faut également savoir tirer des leçons d'un échec. Une déception est avant tout une occasion de se remettre en question, de prendre conscience de ses limites et d’écouter ce que les autres ont à nous dire. Et s’il est important d’exprimer rapidement son mal-être, digérer une déception demande du temps et de la réflexion. Adrien Rabiot a donc eu tort de se précipiter pour se retirer de la liste des réservistes. Prise à la hâte, cette décision risque d’être jugée immature aux yeux de Didier Deschamps et de ses éventuels successeurs, et de lui fermer les portes de l’équipe de France à court ou moyen terme.
" La déception est une leçon de vie. Et cela passe par la réhabilitation de ses émotions "
"Se remettre d’une déception prend indéniablement du temps. Aujourd’hui, on pense à tort que chagrin et tristesse enrayent notre avancement : autant la colère est mobilisatrice d’énergie – on va au front en quelque sorte –, autant la tristesse nous amène à nous retirer de la scène des événements pour digérer. En ne prenant pas le temps nécessaire pour ‘digérer’ cette déception, je n’en tire pas de leçon et vais me retrouver dans une situation similaire sous peu", décrypte dans Le Monde le psychologue Yves-Alexandre Thalmann. Et d’enchaîner : "La déception est une leçon de vie. Et cela passe par la réhabilitation de ses émotions. Elles ont un message à nous donner, pour peu qu’on les écoute".
À l’inverse de Rabiot… il faut accepter les règles
La déception invite donc à se demander ce qui, en nous, n’a pas fonctionné, pour nous aider à le corriger. Mais elle nous pousse aussi à nous demander ce qui, à l’extérieur, a aussi entraîné cette déception. Or, parfois, pour surmonter une déception, il suffit juste de reconnaître que l’on peut rien y changer, que c’est juste la règle du jeu. Et cela vaut pour l'entreprise comme pour l'équipe de France.
"Accepter un emploi, c’est accepter de rentrer dans un cadre avec des règles, des obligations et des évaluations", rappellent Christine Lewicki et Emmanuelle Nave. Dans leur ouvrage, elles nous incitent à repérer nos zones d’influences, ce sur quoi notre action peut avoir un réel impact. Et "si la situation ne peut pas être changée, alors cela ne vaut vraiment pas le coup d’y consacrer la moindre énergie".
À l’inverse de Rabiot… Il faut mettre les formes lorsque l’on communique
Enfin, s’il est important d’exprimer les raisons d’une déception à sa hiérarchie, il ne s’agit pas non plus de le faire n’importe comment. "Toute la différence résidera dans la posture et les mots employés", lit-on dans J’arrête de râler au boulot. Et l’ouvrage de donner quelques conseils : trouver le bon moment pour aller voir son manager, exprimer calmement ses attentes initiales et les raisons de nos déceptions, citer des faits précis plutôt que des principes généraux, demander où l’on peut s’améliorer, éviter les "mais" qui donne une impression d’hypocrisie ("je sais que tu as voulu bien faire MAIS tu as pris la mauvaise décision"), éviter d’exagérer ou de se poser en victime, parler de soi plutôt que d’accuser l’autre ("je suis déçu" plutôt que "tu n’aurais pas dû") etc.
Nous ignorons la tonalité de la lettre écrite par Adrien Rabiot à Didier Deschamps. Mais le simple fait qu’elle ait été rendue publique ne risque pas d’arranger les affaires du joueur. Les explications avec son manager doivent se faire en privé (sauf situations graves de harcèlement, d’exploitation ou de toutes infractions au droit du travail), sous peine d’envenimer encore davantage la situation.